Pièce de théâtre sanglante (1895)

Le 20 juin 1895, lors de la présentation d'une pièce de théâtre à son école, le jeune Moïse Desjardins a accidentellement poignardé à mort, sur la scène, son camarade Ovide Lorrain.

Le Spectateur, 28 juin 1895

L'école Champlain, située sur la rue Fullum à Montréal, présentait ce soir-là un drame en trois actes intitulé "Les jeunes captifs", par l'Abbé Lebardin. Au dernier acte de la pièce, un personnage nommé Pietro (joué par Moïse Desjardins, 14 ans) poignarde le traître Sterno (joué par Ovide Lorrain, 16 ans).

Jugeant que le faux poignard fourni par l'école manquait de réalisme, Ovide Lorrain avait apporté de son domicile un véritable poignard, à l'insu du personnel de l'école et malgré l'interdiction de sa belle-mère. Il l'avait prêté à Moïse Desjardins et lui avait montré comment empoigner son costume pour y faire passer la lame à travers le tissus, afin que l'illusion soit parfaite.

Mais dans le feu de l'action, à cause d'un faux mouvement, Moïse Desjardins a véritablement poignardé Ovide Lorrain à la gorge. Ce dernier a couru à l'arrière de la scène en criant "Je suis frappé!", avant de s'effondrer dans une mare de sang.

La victime, Ovide Lorrain
(La Presse, 21 juin 1895)

On a évidemment interrompu la présentation de la pièce et fait sortir le public, parmi lequel se trouvaient la belle-mère et les deux soeurs de la victime! Pendant qu'Ovide Lorrain agonisait, Moïse Desjardins, en état de choc, l'implorait de lui pardonner. Le jeune Desjardins est décédé au bout d'environ 15 minutes. Il était déjà mort à l'arrivée du Dr. J. O. Gadoury, qu'on était allé quérir d'urgence.

Lors de l'enquête du coroner McMahon, le lendemain matin, Moïse Desjardins a expliqué qu'un faux poignard en bois (totalement inoffensif) avait été utilisé pendant toutes les répétitions de la pièce. Ovide Lorrain lui avait donné le véritable poignard en lui expliquant comment procéder (empoigner sa robe pour que la lame traverse le tissus sans le blesser), mais Lorrain aurait bougé d'une façon que Desjardins n'avait pas prévu, et la lame a pénétré dans sa gorge.

Sans être des amis proches, Desjardins et Lorrain se connaissaient assez bien, et tous les témoins on confirmé qu'il n'avaient eu connaissance d'aucune querelle les impliquant.

La belle-mère de Lorrain a expliqué qu'elle lui avait interdit d'apporter le poignard à l'école pour jouer la pièce, elle l'avait même caché pour s'assurer qu'il ne l'apportait pas, mais il l'avait visiblement trouvé malgré tout.

Suite aux différents témoignages, le jury a rendu un verdict de mot accidentelle, n'imputant le blâme à personne.

Une dépêche publiée dans le journal La Presse du 24 juin 1895 indique que depuis le drame, Moïse Desjardins est très malade, au point que ses proches craignent pour sa vie.  On n'en a plus reparlé par la suite.

La Presse, 24 juin 1895

Yves Pelletier (Facebook)

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