Glissement de terrain à Notre-Dame-de-la-Salette (1908)

La Patrie, 27 avril 1908

Notre-Dame-de-la-Salette est un village situé en Outaouais, au Québec, sur le bord de la rivière du Lièvre.  Le dimanche 26 avril 1908 vers 4 heures du matin, une partie du terrain de la rive ouest s'effondre dans la rivière, qui est gonflée par la crue printanière. Deux maisons sont emportées par cet éboulement.

Mais le pire est encore à venir: suite à ce glissement de terrain, le cours d'eau sort de son lit et une gigantesque coulée de boue déferle sur le village, sur la rive opposée, entraînant avec elle d'énormes morceaux de glace qui détruisent instantanément des dizaines de bâtiments.

Croquis montrant le désastre. La zone 2 montre la partie de la rive ouest qui s'est effondrée dans la rivière. La zone 5 sur la rive est a été détruite par les glaces.
(La Presse, 28 avril 1908)

Au total, 34 personnes trouvent la mort. La plupart d'entre elles sont des enfants. Des familles entières sont décimées:

Cléophas et Célina Deslauriers, décédés avec 6 de leurs enfants
La Patrie, 30 avril 1908

  • Famille Cléophas Deslauriers: 8 décès, dont les deux parents. Le seul survivant est Joseph, un garçon de 12 ans.
  • Famille Camille Lapointe: 6 décès. La mère et deux de ses fils sont rescapés alors qu'ils dérivent sur la rivière.
  • Famille Auguste Larivière: 6 décès. Le père a survécu, mais il a une oreille arrachée et est blessé au dos, aux jambes et aux bras.
  • Famille Joseph Murray: 5 décès (seuls survivants: le père et un enfant de 4 ans)
  • Famille Napoléon Charron: 4 décès 
  • Famille Paul Desjardins: 3 décès (Grace, une jeune fille de 13 ans, a miraculeusement survécu, et le père était en visite à l'extérieur du village au moment de la catastrophe).
  • Famille Louis Morissette: 1 décès

Joseph Murray a perdu sa femme, son frère et 5 enfants
La Patrie, 30 avril 1908

14 maison ont été détruites. Certaines familles sont indemnes malgré la destruction de leur maison.

Chez M. Édouard Boileau, beau-frère de M. Wilfrid Chartier, qui a bien voulu nous donner des renseignements à ce sujet, la glace a littéralement coupé la maison en deux. Entendant du bruit, M. Boileau a cru à un ouragan; puis tout d'un coup, se sentant enlever et retomber il s'aperçut avec stupéfaction que la glace a coupé sa maison à la hauteur du premier étage, que le flot l'a enlevée et emportée et que la partie supérieure retombant sur le sol s'y était incrustée, formant ainsi à la place de celle qui était partie, une nouvelle maison.  (La Patrie, 28 avril 1908)

La maison de Camille Lapointe, qui se trouvait sur la rive ouest, a carrément traversé la rivière et est entrée en collision avec la maison Desjardins, sur la rive est.

Sauvetage de Mme Camille Lapointe

La veuve Camille Lapointe est secourue alors qu'elle dérive sur un morceau de glace qui flotte sur la rivière.

"Je me rappelle avoir entendu un bruit semblable à un effroyable coup de foudre, et ce qui s'est ensuite passé est pour moi inoubliable. Je me sentis rouler en bas du lit et tout s'ébranla avec fracas. J'essayai en vain de rejoindre mes enfants, mais je ne sais comment ils se sont tous trouvés dispersés, enfin après avoir été renversée d'une place à l'autre, je me trouvai sur un amas de glaces sur lequel je parvins, pendant un temps que me parut plusieurs heures, à me tenir en équilibre, malgré la force des eaux qui tourbillonnaient autour de moi. Je voyais aussi mon fils, Camille, dont la position sur un amas de foin, était très dangereuse et j'appelais de toute la force de mes poumons du secours et à l'aide." (La Presse, 28 avril 1908)

Sa belle-mère âgée de 74 ans a eu moins de chance; son cadavre sera repêché le lendemain, dans les rapides de Buckingham, trente kilomètres plus loin.

La Presse, 28 avril 1908
 
Quelques heures après le désastre, on n'espère plus trouver d'autres survivants. La priorité consiste plutôt à retrouver le cadavre des victimes. 

À l'école, qu'on a transformée en morgue, le spectacle est navrant. Douze corps sont étalés, douze corps dont la plupart sont défigurés et méconnaissables. Et ceux que l'on a reconnus sont placés ensemble, afin de réunir dans le mort ceux qui ont été unis dans l'existence. (La Patrie 28 avril 1908)

La Patrie du 28 avril 1908

Le 28 avril, près de 400 personnes assistent aux funérailles des 16 victimes dont le corps a été retrouvé. Certains corps ne seront retrouvé qu'un mois plus tard, et 10 ne furent jamais retrouvés.


Funérailles de 16 victimes dans l'église de Notre-Dame-de-la-Salette
(La Patrie 29 avril 1908)



Au cimetière (La Patrie, 29 avril 1908)

Yves Pelletier



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