La précieuse sacoche de Maître Plamondon (1904)

À l'automne 1904, l'avocat sorélois J.D. Plamondon se rend à Ottawa pour y déposer des documents officiels relatifs à l'élection fédérale qui a eu lieu quelques jours plus tôt. Mais il s'arrête d'abord à Montréal, y passe quelques jours...puis disparaît mystérieusement.

La Presse, 12 décembre 1904

Le 12 décembre 1904, le journal La Presse rapporte qu'on a découvert sur la rue Amherst, à Montréal, une sacoche renfermant d'importants documents officiels relatifs à l'élection fédérale dans le comté de Richelieu: le relevé du scrutin, les comptes de l'élection, le rapport officiel de l'officier-rapporteur au greffier de la Couronne... Cette sacoche est vraisemblablement celle que transportait l'avocat J. Daniel Plamondon, de Sorel, dont on est sans nouvelles depuis plusieurs jours! Plamondon a-il été assassiné? A-t-il fui aux États-Unis après avoir dilapidé l'argent qu'il était chargé de transmettre au gouvernement? S'est-il suicidé après avoir constaté la perte des précieux documents?  On l'ignore!

La sacoche trouvée sur la rue Amherst (La Presse, 16 décembre 1904)

J. D. Plamondon, 45 ans, avait été nommé officier-rapporteur du comté de Richelieu pour les élections fédérales du 3 novembre 1904. À cette occasion, le député libéral Arthur Aimé Bruneau a été réélu après avoir obtenu plus de votes que Bruno Leclaire, son adversaire du parti conservateur.

J.D. Plamondon (La Presse, 16 juin 1905)

En décembre 1904 et en janvier 1905, le journal La Presse mène une enquête qui permet de reconstituer en partie le séjour de l'avocat Plamondon à Montréal.

Le 18 novembre, Plamondon quitte Sorel en train, en disant qu'il se rend à Ottawa afin de remettre en mains propres les documents de l'élection au Greffier de la Couronne en Chancellerie. Sa sacoche de cuir contient, entre autres choses,  le dépôt de chacun des deux candidats à l'élection du 3 novembre (un total de $400). Un certain Frank Côté, qui se trouve à bord du même train, dira plus tard que Plamondon "paraissait avoir des allures étranges".

Vers midi ce jour-là, Plamondon prend une chambre à l'hôtel Jacques-Cartier de Montréal. Charles N. Savage, le gérant de l'hôtel raconte au journaliste de La Presse que Plamondon était très bavard. Il lui a confié sa sacoche, son seul bagage, pour qu'elle soit placée dans le coffre-fort de l'hôtel. Il lui confie également son très chic chapeau haut de forme en soie.

Le 19 novembre, Plamondon se rend à la banque d'Hochelaga, sur la rue St-Jacques pour encaisser un chèque. Son identité a été établie par le seigneur Massue-Drolet de St-Aimé.  D'après le témoignage de M. Biron, surintendant des marchés de Montréal, Plamondon visite également la cour du Recorder, où il discute avec d'autres avocats.

Le matin du 21 novembre, Plamondon quitte l'hôtel Jacques-Cartier, après avoir récupéré sa sacoche et son chapeau de soie, déclarant qu'il se dirige vers Ottawa. Toutefois, en soirée, un témoin voit Plamondon, en état d'ébriété, au coin des rues Cadieux et La Gauchetière, en compagnie de deux jeunes hommes d'allure louche: "Ils étaient fort mal vêtus, et ils me paraissaient plutôt, à côté de ce monsieur en chapeau de soie, être de ces gens-là que des malheureux rencontrent assez souvent dans les buvettes borgnes, liant conversation avec eux, dans leur ivresse, pour se retrouver ensuite dévalisés."

Le 23 novembre, en fin d'après-midi, Plamondon retourne à l'hôtel Jacques-Cartier mais, cette fois, il est visiblement en état d'ébriété, à un point tel qu'il est incapable de signer le registre. Il était très "fripé", nous dit M. Savage, "ses vêtements et son chapeau témoignant d'une rude escapade". Il n'est plus en possession de sa sacoche.

Le 24 novembre, Plamondon quitte discrètement l'hôtel Jacques-Cartier, laissant son chapeau de soie en guise de paiement.

Quelques résidentes de la rue Amherst affirment avoir vu Plamondon, après le 25 novembre, à la recherche de sa sacoche. Il leur raconte avoir visité une maison de cette rue "pour s'amuser un brin", et y a oublié sa sacoche, mais il ne se souvient plus de l'adresse exacte!   "Je vous en supplie, dit-il, rendez-mois mes papiers; si vous le voulez, gardez la sacoche avec tout l'argent qu'elle contient, je saurai le remplacer, mais remettez-moi le reste..."

La Presse, 13 janvier 1905

Le matin du 11 décembre, deux résidents de la rue Amherst, Louis Picard et Olivier Ménard, trouvent la sacoche de Plamondon sur le bord de la rue, pas très loin du fleuve. Le 15 décembre, le député Camille Piché récupère la sacoche et expédie à Ottawa les documents qu'elle contient.

Le 16 juin 1905, un cadavre est trouvé dans le fleuve St-Laurent, entre les quais Jacques et Victoria, pas très loin de l'endroit où la sacoche avait été retrouvée quelques mois plus tôt. Le corps est en état de putréfaction avancée, mais sa taille et ses vêtements correspondent à la description de l'avocat de Sorel. De plus, on trouve dans sa poche quelques documents concernant les districts de votation du comté de Richelieu, et une lettre datée du 14 novembre, adressée à J. D. Plamondon.

Le 18 juin 1905, les restes de J. D. Plamondon sont inhumés au cimetière des Saints-Anges de Sorel.

Yves Pelletier (Facebook)

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