Effondrement du pont de la chute Montmorency (1856)

Située sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, vis-à-vis l'extrémité ouest de l'Île d'Orléans, la chute Montmorency est la plus haute chute d'eau au Québec (83 mètres de hauteur). 

Le 30 avril 1856, le tout nouveau pont construit au-dessus de la chute s'est effondré, provoquant la mort de trois personnes. 

 

Chute Montmorency vers 1820 (Source: BAnQ)

Le Journal de Québec du 17 juillet 1852 avait annoncé la construction prochaine de ce nouveau pont au-dessus des chutes Montmorency. Cette nouvelle construction allait remplacer l'ancien pont, construit en 1812, qu'on jugeait dangereux car situé entre deux pentes, dont l'une était très escarpée.

 "Cependant, il ne se sont pas contenté de l'utilité proprement dite, et en hommes de progrès ils ont résolu de faire du pont de Montmorency un objet d'attraction pour les voyageurs, leur offrant ainsi à admirer à la fois deux merveilles, l'une de la nature et l'autre de l'art; ils ont pris la détermination de faire un pont suspendu. Mais, pour que ce pont soit réellement une merveille, il faut qu'il soit le plus près possible de l'abîme, et que de la première on puisse contempler avec étonnement, la seconde, la merveille de Dieu; et pour arriver là, M. Keefer, l'ingénieur en chef du département des travaux publics, et M. Rubidge du même département, ont été appelés, avec le consentement du gouvernement, à examiner et mesurer le terrain et à évaluer le travail à faire. Nous avons vu le plan du pont par M. Rubidge lequel pont devra avoir une longueur d'au plus 380 pieds, et sera placé presque perpendiculairement sur l'angle de la chute, à environ six pieds au-dessus du lit de la rivière. De sorte que de ce pont l'on pourra voir l'eau s'échappant du sommet même du rocher, et arrivant au fond du gouffre. Le spectacle sera sublime."  (Le Journal de Québec, 17 juillet 1852)

 

Chute Montmorency, par L.P. Vallée vers 1870
Source: BAnQ
  

La construction du pont débute en septembre 1854, et s'échelonne sur un peu plus d'un an. Le Journal de Québec du 11 mars 1856 décrit les derniers préparatifs avant son ouverture à la circulation:

Vendredi dernier, on a procédé à l'épreuve de solidité du pont suspendu sur la rivière Montmorency, construit sous les auspices de la commission des chemins à barrières. Cette épreuve s'est faite au moyen d 'une surcharge de vingt-cinq toises de pierres, que l'on estime répondre au poids de 50 tonneaux. Le transport de ces pierres s'est opéré à l'aide de bêtes de somme circulant librement par les deux avenues du pont.

Le résultat d'une telle expérience qui a satisfait si pleinement les personnes officiellement appelées à la contrôler, et qui s'est faite d'ailleurs en présence d'un public nombreux, ne manquera point d'inspirer toute confiance à ceux qui gardaient quelques derniers doutes sur le succès d'une entreprise aussi hardie.

On s'occupe en ce moment d'établir des deux côtés du ponts, les garde-fous qui doivent en protéger la libre circulation contre toute espèce de danger; ils auront une hauteur de quatre pieds, et seront conditionnés de manière à correspondre à la solidité de l'ouvrage tout entier.

On fixe au premier avril, l'époque où le pont suspendu sera livré à la circulation du public.

Il faut bien le reconnaître, la conception de l'exécution de ce magnifique pont sur la chute Montmorency est un acte de vraie hardiesse.

Mais il est de la nature de ces travaux qui participent d'une double pensée d'utilité et d'art, en même temps qu'ils donnent lumière et puissance à l'un des plus imposants et des plus pittoresques tableaux de la nature. (Le Journal de Québec, 11 mars 1856)

Le désastre survient le matin du 30 avril 1856,  au moment où trois résidents de l'Ange-Gardien se trouvent sur le pont: le jeune Louis Vézina, 15 ans, circule à pied, portant deux miches de pain. Le cultivateur Ignace Côté marche en tenant la bride de son cheval, qui est attelé à une charrette. Il est suivi de son épouse, Angélique Drouin. La scène a été décrite par Louis Cloutier, un cultivateur de Château-Richer, qui était lui-même sur le point d'emprunter le pont avec son cheval. Lui et quelques autres témoins ont vu le pont s'écrouler soudainement, dans un fracas assourdissant. Les énormes chaînes qui retenaient le pont venaient de casser.

Les trois personnes qui se trouvaient sur le pont ont péri; leurs cadavres n'ont jamais été retrouvés. 
 
Seuls vestiges du pont: des piliers de bétons, deux à chaque extrémité, subsistèrent (voir la photo ci-dessous). 
 
(L'ingénieur, septembre 1957)

 
Certains journaux (Le Canadien et Le Journal de Québec), ont déploré que les autorités aient encouragé la population à circuler sur le pont, alors qu'ils avaient été mis au courant de certaines anomalies qui permettaient de mettre en doute sa solidité.

Yves Pelletier

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