Le jeune noyé de Guybourg (1933)

À Guybourg (un secteur de Montréal), dans la journée du 29 juin 1933, des baigneurs trouvent dans le fleuve Saint-Laurent un sac de jute renfermant le cadavre d'un jeune garçon.

La Patrie, 3 juillet 1933

L'enfant semble âgé d'une dizaine d'années; il mesure 3 pieds et 6 pouces (1,1 mètre) , il pèse entre 75 et 80 livres (35 kg) et ses cheveux sont châtains.  Il porte un veston de couleur bleu marine de marque "Self Help" dont les boutons sont jaunes, une culotte bleu marine, des chaussettes beiges et des chaussures en cuir brun. L'aspect des vêtement permettent de supposer qu'il ne s'agit pas d'un résident de Montréal, mais plutôt quelqu'un provenant d'Europe ou des États-Unis. Il serait toutefois catholique, puisqu'il portait une médaille à l'effigie de Notre-Dame-de-Lourdes.


Photographie montrant l'endroit où le cadavre a été découvert
(La Patrie, 30 juin 1933)

Selon le Dr. Rosario Fontaine, directeur du laboratoire de médecine légale, l'enfant est décédé deux ou trois semaines auparavant. L'état de décomposition du cadavre étant assez avancé, il n'est pas en mesure de déterminer si l'enfant a été noyé ou s'il était déjà décédé avant d'être immergé. Le corps ne présente aucune trace de violence. L'estomac contenait des morceaux de pommes de terre, ce qui semble indiquer que l'enfant avait mangé moins de trois heures avant son décès.

Le Dr Rosario Fontaine, directeur du laboratoire de médecine légale
(Le Petit Journal, 9 juillet 1933)

De toute évidence, puisque le cadavre se trouvait à l'intérieur d'un sac, il ne s'agit pas d'une simple noyade accidentelle. Le garçon a-t-il été assassiné? La famille de l'enfant aurait-elle discrètement disposé du cadavre suite à un décès de cause naturelle?

Le corps a été trouvé à une vingtaine de pieds du rivage, sous 15 pieds d'eau à proximité du terrain de camping "Jimmy's Camping Ground". Interrogé par les enquêteurs, le propriétaire du camping, Jacques "Jimmy" Chénier établit rapidement un lien entre le petit défunt et une famille qui a résidé sur son terrain du début du mois d'avril jusqu'au 6 juin. Un garçon de cette famille portait un costume de matelot de couleur bleue marine, et les parents ont soudainement levé le camp à une date qui pourrait bien correspondre avec celle du décès du garçon. Chénier accompagne les policiers à la morgue et il est catégorique: ce cadavre est bel et bien celui du garçon qui a récemment séjourné sur son terrain de camping.

Ainsi, dans les jours suivants, les différents journaux rapportent que les policiers se sont lancés à la poursuite de témoins importants, se déplaçant dans deux automobiles immatriculées aux États-Unis, et partis en direction de Québec, puis ensuite en Ontario, et qu'une arrestation est imminente.


La Patrie, 4 juillet 1933

Le 7 juillet, le journal La Presse révèle l'identité des suspects recherchés: il s'agit de la famille Waterforth dont un des enfants, Johnny, a été identifié comme le cadavre repêché. L'article donne de nombreux détails sur les différents membres de la famille.


La Presse, 7 juillet 1933

Suite à la parution de cet article, la famille, dont le nom est en fait Waterworth, est retrouvée à Sainte-Cunégonde. Petit détail embarrassant: le jeune David Waterworth, 12 ans, qui ressemble effectivement au défunt, n'est pas mort du tout!


La Patrie, 8 juillet 1933

La famille Waterworth rencontre les enquêteurs et le propriétaire du camping, mis en présence du petit David Waterworth, confirme qu'il s'agit bien du garçon dont il parlait depuis le début de l'enquête.


La famille Waterworth lors de sa visite aux policiers
(Le Petit Journal, 9 juillet 1933)

Plus d'une semaine après la découverte du cadavre, l'enquête reprend donc à zéro, puisqu'il s'agissait de la seule piste suivie par les enquêteurs chargés du dossier.

L'assistant-inspecteur Armand Brodeur, qui est en charge de l'enquête, croit que l'enfant, originaire des États-Unis, est possiblement décédé de cause naturelle à bord d'un charbonnier, et qu'il aurait ensuite été jeté par-dessus bord, comme les marins ont coutume de le faire lors du décès d'un membre de l'équipage.

Assistant inspecteur Armand Brodeur
(Le Petit Journal, 9 juillet 1933)

Le Dr. Pierre Hébert, coroner-adjoint, déclare toutefois que cette hypothèse de rite funéraire maritime est fort peu crédible: si tel avait été le cas, l'enfant aurait été enveloppé d'un drap et non enfermé dans un sac de jute. De plus, il aurait été jeté en haute mer, et non devant Montréal, à proximité de la berge.

Dr Pierre Hébert, coroner-adjoint
(Le Petit Journal, 9 juillet 1933)

Par la suite, il n'a pratiquement plus été question du petit noyé de Guybourg dans les journaux. Le 26 juillet, La Patrie mentionne que les enquêteurs attendent l'arrivée prochaine de certains navires océaniques qui se trouvaient dans le secteur au moment du décès de l'enfant, et qu'ils espèrent éclaircir le mystère en interrogeant les membres de l'équipage. Le 8 août, un entrefilet signal la présence d'un certain nombre de cadavres non-identifiés à la morgue de Montréal, y compris celui du jeune garçon trouvé dans le fleuve près de Guybourg.

Il semble donc que le mystère n'ait jamais été éclairci.

Yves Pelletier


À lire également:

  • En 1910, le cadavre de Cécile Michaud est trouvé dans un terrain vacant de Westmount: que lui est-il donc arrivé?
  • En 1934, à Québec, Rosaire Bilodeau abat six personnes et en blesse gravement deux autres.
  • En 1935, le jeune commis Armand Nadeau est assassiné lors d'un hold up à Hull.
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