La petite martyre de la rue Lafontaine (1911)

Au Québec, l'histoire d'Aurore Gagnon, martyrisée à mort par sa belle-mère, est bien connue grâce aux deux films à succès qui lui ont été consacré. Plus récemment, la population a été horrifiée par le drame de la "fillette de Granby". Dans l'affaire beaucoup moins célèbre de la petite Blanche Hamelin, survenue à Montréal en 1911, les autorités sont intervenues juste à temps pour lui sauver la vie.

La Presse, 8 juin 1811

Le 7 juin 1911, suite à l'intervention de voisins, Louis Desautels et Diana Lecompte sont mis en état d'arrestation en raison des mauvais traitements infligés pendant plusieurs mois à la petite Blanche Hamelin, 9 ans. On leur reproche de l'avoir violemment battue à coups de poings, de pieds, de tisonnier, et de poêle à frire, et de lui avoir arraché une épaisse touffe de cheveux. Le Dr. J. N. Picotte, médecin de la police, atteste la présence de 32 graves contusions sur tout le corps de la fillette.

Blanche Hamelin (ou Lemelin) est orpheline de père. En 1905, sa mère Diana Lecompte (32 ans) s'est remariée avec Louis Desautels (46 ans), avec qui elle a eu quatre autres enfants.

Blanche était obligée de s'occuper de l'entretien de la maison familiale et de veiller sur ses quatre frères et soeurs. Ses parents la battaient lorsqu'ils étaient insatisfaits de son travail.

"Dimanche dernier, par exemple, raconte l'enfant, pendant que sa mère la battait à bras rabattus avec un tisonnier, son père la tira tellement fort par les cheveux qu'il lui en arracha une épaisse couette. Plus elle criait, plus on la battait" (La Patrie, 8 juin 1911).

Le jour de l'arrestation des parents, Blanche est recueillie par l'Assistance Publique en compagnie d'un de ses frères, âgé de 6 ans. Un bébé âgé de 4 mois est transporté à l'hôpital Sainte-Justine pour des soins urgents, car on considère que sa vie est en danger. Les deux autres enfants de la familles, absents au moment de l'arrestation, seront retrouvés le lendemain: ils avaient été recueillis par un voisin.

Le 9 juin 1911, quelques témoins comparaissent lors de l'enquête. 

"Mme Wilfrid Béchard, 473 de la rue Champlain, qui a déjà pensionné chez les époux Desautels, déclara qu'en une occasion elle a vu la femme Desautels frapper la fillette sur la tête avec une poêle à frire. En une autre occasion, la mère dénaturée, s'armant d'un couteau à pain, en frappa son enfant qui porte encore la cicatrice de la blessure." (La Presse, 9 juin 1911)

Le procès est retardé de quelques semaines car la gravité des blessures de Blanche Hamelin nécessitent son hospitalisation à l'hôpital Sainte-Justine. Pendant un certain temps, on craint pour sa vie.

Blanche Hamelin, Diana Lecompte et Louis Desautels lors du procès
La Patrie, 27 juillet 1911

Le 27 juillet 1911, Louis Desautels et Diana Lecompte sont condamnés par le juge Choquet à 10 ans de pénitencier. 

"Vous me demandez de n'être pas sévère après ce que je viens d'entendre, afin de protéger vos enfants qui manqueront de pain si vous êtes incarcéré trop longtemps. Je considère que je manquerais gravement à mon devoir si je ne l'était pas. Vous, Désautels, vous avez été trop mou pour empêcher votre femme de battre son enfant. Non seulement vous ne la protégiez pas contre son excès de colère, mais vous la battiez vous-même. Vous, madame, vous avez agi comme une brute vis-à-vis cette fillette. Vous avez vous-même démontré ici, par vos paroles, que vous aviez un caractère tel que l'on ne peut pas laisser des enfants sous vos soins, car vous n'êtes pas digne d'être une mère de famille. Vous m'avez demandé de protéger vos enfants. Je vais les protéger contre vous deux. Vous passerez les deux prochaines années de votre vie au pénitencier." 

Juge François-Xavier Choquet, rapporté dans La Patrie, 27 juillet 1911.

Le Canada, 3 août 1911

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Yves Pelletier

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