L'éclipse totale de 1932

Dans l'après-midi du 31 août 1932, plusieurs localités du Québec se trouvent dans la trajectoire d'une éclipse complète de soleil. Malheureusement, un ciel nuageux frustrera de nombreux observateurs.


Le Soleil, 1er septembre 1932


Ça fait plus de trois cent ans
Qu'on entend dire les savants
Que l'éclipse devait avoir lieu
En dix-neuf-cent-trente-deux
À Quatre Heures de l'après-midi
Il faisait noir comme la nuit
Les lumières sont allumées
Tout le monde se mit à crier "Hé! Hé!"
("As-tu Vu l'Éclipse", chanson de La Bolduc)

Les médias québécois parlent de l'éclipse plusieurs semaines à l'avance. Montréal se trouve à la limite de la zone de totalité. Les localités de Parent, Sorel et Magog sont des sites d'observation particulièrement recommandés puisqu'ils se situent en plein centre de la zone de totalité (c'est à Parent, "situé sur la ligne Transcontinentale du Canadien National", que l'éclipse totale durera le plus longtemps, soit 102 secondes).


Carte montrant la zone de totalité de l'éclipse
Le Soleil, 26 juillet 1932

Des équipes de chercheurs en provenance du monde entier installent leur équipement à différents endroit. Des savants de l'université Cambridge s'installent à Magog, une équipe française choisit plutôt Louiseville, alors que les professeurs de l'Université de Montréal se contentent de monter leur matériel sur le toits de leur institution.

Scientifiques européens arrivés à Montréal afin d'observer l'éclipse,
photographiés à l'entrée de l'hôtel Windsor. (La Presse, 29 juillet 1932)



L'équipe du Dr J.-E. Gendreau, professeur de physique à la Faculté des sciences
de l'Université de Montréal.  (La Presse, 31 août 1932)




Un intérêt des éclipses totales, c'est que pendant que la photosphère est occultée par la lune, il devient possible d'observer la couronne solaire et de déterminer sa composition au moyen d'un spectromètre. À l'époque, on sait depuis longtemps que le soleil est essentiellement composé d'hydrogène et d'hélium, mais depuis la fin du XIXe siècle on s'interroge sur la signification exacte de certaines raies spectrales, qui pourraient bien être causées par un gaz inconnu sur terre, qu'on a baptisé coronium (on ne le sait pas encore, mais il sera établi dans les années suivantes que ce qu'on croyait être un nouveau gaz est en fait du fer hautement ionisé). À cet effet, les scientifiques français sont impatients d'utiliser le coronographe qu'ils ont récemment mis au point.

On désire aussi profiter de l'événement pour étudier l'effet de l'éclipse sur les transmissions radiophoniques. Il est toutefois hors de question de vérifier à nouveau la théorie de la relativité d'Einstein, comme on l'avait fait lors de l'éclipse de 1919, à cause de l'absence d'étoiles suffisamment brillantes à proximité du soleil au moment de l'éclipse.


Le Nouvelliste, 29 août 1932

En ce qui concerne la population générale, on leur recommande d'éviter de regarder vers le soleil sans protection: il faut plutôt utiliser des verres fumés "très foncés".  Le jour de l'éclipse, un incendie se déclare dans un hangar de Limoilou: "Nous fumions des verres pour voir l'éclipse, mais nous avons échappé la chandelle allumée", déclarent aux pompiers les enfants qui ont sonné l'alarme.

On peut aussi investir 10 cents dans l'achat d'un "Éclipse-O-Scope".

La Presse, 25 août 1932


Le Canada, 1er septembre 1932

Malheureusement, le 31 août 1932, la météo n'est pas tellement favorable à l'observation d'une éclipse. À Montréal, les foules rassemblées dans des parcs et sur des toits sont témoins de la troublante période d'obscurité totale en plein jour, mais des nuages empêchent l'observation directe du phénomène.

Famille observant l'éclipse à Montréal
(La Presse, 1er septembre 1932)

Depuis le toit de l'université de Montréal, le docteur Ernest Gendreau décrit en direct à la radio de CKAC les différentes phases de l'éclipse, mais mais la majeure partie de ce qu'il décrit demeure invisible à cause des nuages.

Le Dr. Ernest Gendreau, professeur de physique de l'Université de Montréal.
(La Presse, 1er septembre 1932)

Sept avions ont décollé de l'aéroport St-Hubert et son montés au-dessus des nuages spécialement pour photographier l'éclipse. À bord d'un de ces avions, D.P.R. Coats décrit soigneusement tout ce qu'il observe, au bénéfice des auditeurs de la station de radio CFCF. Ce n'est qu'à son retour au sol qu'on lui apprend que sa description n'a jamais jamais été captée!


Le Nouvelliste, 1er septembre 1932

700 montréalais qui se sont rendu à Sorel à bord d'un train spécial du Canadien National observent l'éclipse dans un ciel dégagé. Les 1000 passagers du navire "Le Richelieu" de la Canada Steamship, parti de Montréal en début d'après-midi, jouissent du même privilège. 

La Tribune de Sherbrooke mentionne que les citoyens de Gould, Bury et Scotstown, en Estrie, ont pu observer l'éclipse dans des conditions idéales. 

Les scientifiques français installés à Louiseville profitent d'un ciel dégagé, les nuages s'étant dissipés juste avant le moment de l'éclipse totale. Les astronomes britanniques qui s'étaient installés à Magog et à Parent n'ont pas cette chance.

Les conditions atmosphériques ont été assez bonnes à Québec et à Ottawa, mais l'éclipse n'y était que partielle.


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Yves Pelletier

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