Agnès Vautier, hockeyeuse étoile (1915-1919)

De 1915 à 1919, Agnès Vautier, capitaine du Western de Montréal, est sans contredit la meilleure joueuse de hockey montréalaise.

La Presse, 2 décembre 1915

Au début du mois de décembre 1915, on annonce la création de la "Eastern Ladies Hockey League": il s'agit d'une ligue de hockey entièrement féminine, composée de quatre équipes, toutes situées à Montréal: le Western, le North End Stanley, le Maisonneuve Stanley et le Telegraph.

"La ligue a pour but de donner aux jeunes filles un amusement sain et en même temps leur procurer un moyen de continuer leurs exercices physiques en apprenant à bien patiner. Elles propageront ainsi parmi la jeunesse l'amour du patin." (La presse, 2 décembre 1915)

(Mettons-nous un peu dans le contexte: en 1915, la Première Guerre Mondiale fait rage, le conservateur Robert Borden est premier ministre du Canada, les principales vedettes du Canadien de Montréal se nomment Édouard "Newsy" Lalonde et George Vézina, et la LNH n'existe pas encore. Les femmes canadiennes n'ont pas encore le droit de voter aux élections fédérales, ni celui de participer aux Jeux Olympiques.)

Chaque lundi soir, de la mi-décembre 1915 jusqu'à la mi-février 1916, deux parties de la ligue de hockey des dames sont présentées à la patinoire Jubilé, à Montréal, devant quelques centaines de spectateurs.

Dès le départ, une joueuse se révèle particulièrement talentueuse: Agnès Vautier, capitaine du Western. Lors de la saison inaugurale, le Western ne perd aucun match régulier de la ligue (9 victoires, 1 match nul), et Agnès Vautier compte à elle seule la moitié des buts marqués par son équipe. Les joueuses du Western remportent donc le championnat de la saison 1915-16.

Agnès Vautier
(La Patrie, 26  avril 1919)

Les journaux de l'époque ne donnent aucune information sur la vie personnelle des joueuses de la ligue. Selon le document Place aux Femmes publié par la Ville de Montréal, Agnès Vautier serait née en 1896. 

Le Western remporte encore une fois le championnat de la ligue pour la deuxièmes saison, qui s'amorce le 19 décembre 1916. La ligue se nomme désormais "Montreal Ladies Hockey League". Les quatre clubs qui la composent sont maintenant le Western, le Social, le Stanley et le Telegraph.

D'autres joueuses du Western: May Doloro, Daisy Arnold
Lily Scanlan et Ethel Chapman 

Encore une fois, le Western réalise l'exploit de ne perdre aucun match régulier de la ligue montréalaise (8 victoires, 1 défaite) mais, cette fois-ci, Agnès Vautier compte près des trois quarts des buts de son équipe! À deux occasions, le 22 janvier 1917 et le 26 février 1917 elle compte la totalité des buts de son équipe dans une victoire de 5 à 0!

La Presse, 23 janvier 1917


Le Devoir, 27 février 1917


Le Western de Montréal, équipe championne de la saison 1916-17
La Presse, 14 mars 1917

Trop forte pour la ligue montréalaise, Agnès Vautier? On dirait bien! Par contre, elle trouve chaussure à son pied lorsque le Western de Montréal est appelé à affronter deux formidables équipes ontariennes: le Victoria de Cornwall, et les Alerts d'Ottawa.

L'équipe de Cornwall est menée par la prodigieuse Albertine Lapensée, qui a été carrément imbattable pendant la totalité de sa courte carrière de hockeyeuse, qui a duré environ un an.  Je vous conseille vivement la lecture de ce passionnant récit numérique de Radio-Canada qui élucide les raisons de ses exploits et de sa soudaine et mystérieuse disparition, au printemps 1917.

Agnès Vautier et Albertine Lapensée
La Presse, 1er février 1917

À titre de meilleure équipe féminine de hockey de Montréal de la saison 1916-17, le Western affronte Ottawa et Cornwall à quelques reprises dans le cadre de la "ligue des trois villes", avec bien peu de succès.

La Presse, 17 février 1917

Lors de la 3e saison (1917-18), la ligue féminine de hockey subit une radicale transformation, puisqu'elle ne comporte plus que 3 équipes: le Western de Montréal, le Maisonneuve de Montréal et les Alerts d'Ottawa.

Le Devoir, 9 janvier 1918

Les comptes-rendus du premier match de la saison, le 8 janvier 1918 font état d'un certain nombre de bagarres entre les joueuses du Western et celles du Maisonneuve.

"La rencontre a toutefois été marquée par deux ou trois joutes de boxe qui ont mis une excitation intense parmi les spectateurs et ont épicé le spectacle. Ces demoiselles ont démontré qu'elles peuvent au besoin de servir de leurs poings. " (Le Canada, 9 janvier 1918)

Les parties opposant le Western aux Alerts d'Ottawa sont souvent chaudement disputées, mais c'est généralement Ottawa qui a le dessus.

"La joute fut assez rude. Mlle Hagan fut l'étoile de la soirée. Nous conseillerions à ces demoiselles d'aller tricoter plutôt que de se mêler de choses qui sont aussi convenables qu'une danse de Salomé dans un couvent." (Le Droit, 12 janvier 1918)

Toujours mené par Agnès Vautier, le Western jouera quelques autres parties en janvier et février 1919, mais depuis le retrait d'Albertine Lapensée, les journaux y accordent assez peu d'attention. L'incendie de la patinoire Jubilé en avril 1919 semble sonner le glas de ce chapitre du hockey professionnel féminin à Montréal.

Le Canada, 24 avril 1919

En juin 1921, Agnès Vautier a épousé Albert Farmer, qui avait été assistant gérant du Western. Albert Farmer est décédé de troubles cardiaques le 17 septembre 1927. 

Albert Farmer, La Patrie du 19 septembre 1927

Je ne trouve rien dans les archives des journaux concernant Agnès Vautier après la mort de son époux. Selon le document Place aux Femmes publié par la Ville de Montréal, elle est décédée en 1976 à Châteauguay.

Agnès Vautier
(La Patrie, 22 janvier 1919)


P.S.: Francophone, Agnès Vautier?...Pas si sûr.

Dans quelques publications récentes, Agnès Vautier est présentée comme une francophone. Je n'ai rien trouvé dans les journaux de l'époque qui confirme que c'était le cas. Au contraire: dans le recensement fédéral de 1921, on retrouve une Agnes Marie Vautier âgée de 20 ans, fille de Philip et Marie Vautier. D'après ce document, Agnès s'exprimait en anglais. L'adresse indiquée dans ce recensement concorde parfaitement avec celle qui figure dans un entrefilet du Journal La Patrie du 10 avril 1918, ce qui me permet de croire qu'il s'agit de la bonne personne.


Recensement de 1921


Yves Pelletier


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