Le scandale des péagers du pont Jacques-Cartier (1959)

Au début de l'automne 1959, un nouveau système de péage entièrement automatique est mis en place à l'entrée du pont Jacques-Cartier, à Montréal, entraînant une spectaculaire augmentation des montants d'argent récoltés quotidiennement. Dans les mois qui suivent, 26 ex-péagers sont poursuivis en justice.


Dimanche-Matin, 6 septembre 1959

Il y avait toujours eu des péages à l'entrée du pont Jacques-Cartier, depuis son inauguration en 1930. Des péagers étaient responsables de percevoir les paiements, qui dépendaient du type de véhicule et du nombre de passagers à bord. À partir de 1958, on annonce la mise en place de 18 postes de péage entièrement automatiques à l'extrémité sud du pont.  Les responsables prévoient que le nouveau système rendra la circulation plus fluide.

Maquette montrant les nouveaux postes de péage automatique
La Presse, 19 mars 1959

Ce nouveau système de perception automatique est inauguré le 6 septembre 1959.

"Un conseil à tous: prenez soins de lancer vos jetons ou vos 25 cents avec justesse, car les règlements stipulent que ceux à qui il arrivera de ne pas viser comme il faut, devront sortir de leur véhicule, ramasser la pièce mal lancée, puis la déposer au bon endroit." (Dimanche-Matin, 6 septembre 1959)

Inauguration du nouveau poste à péage du pont Jacques-Cartier par le ministre William Hamilton
(La Presse, 8 septembre 1959)


La Presse, 24 novembre 1959

À la fin du mois de novembre 1959, le ministre des transports George Hees rend publiques des données préoccupantes: au mois de septembre 1959, les droits de péage ont atteint un total de 254 192 $, comparativement à un montant de 190 312 $ en septembre 1958, soit une augmentation de 33%. En octobre 1959, les recettes ont été de 284 548 $ comparativement à 190 338 $ en octobre 1958... une augmentation de 50%!. Comment expliquer de telles augmentations? Les percepteurs qui ont été remplacés par les machines gardaient-ils pour eux-même une part substantielle de l'argent qu'ils récoltaient? 

Postes de péage du pont Jacques-Cartier
La Presse, 25 novembre 1959

Deux enquêtes sont déclenchées: une enquête menée de la Gendarmerie Royale du Canada, et une autre menée par le comité des communes sur les chemins de fer. Certains témoignages devant le comité des communes indiquent qu'on se doutait depuis des années que quelque chose ne tournait pas rond au Pont Jacques Cartier. Certains percepteurs semblaient mener un train de vie beaucoup plus luxueux que ce qu'ils auraient dû pouvoir se payer avec leur salaire: un d'entre eux était propriétaire d'un avion privé, alors que deux autres possédaient un luxueux chalet de chasse dans les Laurentides.


Le Devoir, 6 avril 1960

Dans son rapport publié en juillet 1960, le comité parlementaire des chemins de fer fait état de nombreuses irrégularités dans la perception des péage, mais il est incapable de démontrer qu'il y a eu une véritable fraude.

Le Devoir, 13 juillet 1960

L'enquête de la GRC parviendra à démontrer, témoignages à l'appui, que de nombreux péagers laissaient passer des camionneurs à prix réduit, sans toutefois parvenir à démontrer hors de tout doute qu'ils en ont personnellement tiré des bénéfices.

Six anciens péagers sont d'abord accusés de vol et d'abus de confiance, en avril 1960. Mais ils sont acquittés car le juge considère que les accusations ne sont pas appropriées compte tenu des preuves présentées.

À la fin du mois de mai, des mandats d'arrêt sont émis contre 26 ex-péagers du pont Jacques Cartier. Cette fois-ci, ils sont accusés d'avoir omis de percevoir le montant requis du péage, en vertu de l'article 336 du code criminel. Ces accusations sont beaucoup moins sévères que les accusations initiales, la peine maximale possible n'étant que de deux années d'emprisonnement.

Les 26 ex-péagers subissent leur procès individuellement, à partir du mois de décembre 1960, et pendant l'année 1961. Un d'entre eux est condamné à six mois d'emprisonnement, mais les autres sont condamnés à payer une amende allant jusqu'à $1000 (l'amende étant plus modeste pour les employés les moins anciens).

Le péage sur le pont Jacques-Cartier est finalement aboli en juin 1962.


La Presse, 9 mai 1962

Yves Pelletier


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