Le tragique avortement de Dorila Germain (1927)

Le 1er juillet 1927, Dorila Germain, 19 ans, meurt à Montréal suite à un avortement clandestin.

L'Autorité Nouvelle, 3 juillet 1927

Native de Saint-Raymond de Portneuf, Dorila Germain, âgée de 19 ans, travaille comme servante chez Gaston D'Auteuil, un plombier de la ville de Québec. Après avoir appris que sa jeune employée est enceinte, D'Auteuil l'accompagne à Montréal le 24 juin 1927 et la confie à Isabella McAuley. Le plan consiste à lui faire subir un avortement, après quoi elle pourra discrètement revenir à Québec sans avoir à subir l'humiliation et l'ostracisation qui découlent d'une grossesse hors-mariage.

Le 28 juin, Isabella McAuley conduit Dorila Germain au cabinet du Dr. Oscar Dunn Duckett, puis retourne chez elle après que Dorila Germain lui ait confirmé que le médecin consent à effectuer l'opération.

Le lendemain soir, le Dr. Duckett appelle son collègue, le Dr. Ernest Douglas Aylen, car sa patiente souffre de complications. Malgré leurs efforts pour la sauver, Dorila Germain décède le 1er juillet 1927. Une autopsie pratiquée par le Dr. Wilfrid Delorme indique que le décès a été causé par une péritonite généralisée.

La Presse, 20 juillet 1927

Au départ, les deux médecins sont tenus criminellement responsables du décès de Dorila Germain. Le Dr. Aylen, toutefois, est rapidement acquitté dès l'enquête préliminaire, le 23 juillet, puisque tous les témoignages indiquent qu'il n'a pas participé à "l'opération illégale".

La Presse, 23 juillet 1927

Le Dr. Duckett, de son côté, prétend que la victime s'est présentée à son cabinet après avoir déjà subi un avortement pratiqué par quelqu'un d'autre, et que son rôle s'est limité à la soigner suite à cette opération. Cette version des faits est contredite par Isabella McAuley, qui assure que Dorila Germain était en parfaite santé lors de son arrivée au cabinet du Dr. Duckett, et qu'elle s'y est présentée dans le but de subir un avortement.

Le 1er octobre 1927, le Dr Oscar Dunn Duckett est trouvé coupable d'homicide involontaire. 

La Patrie, 1er octobre 1927

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Yves Pelletier 


Le faux chèque d'Alphonse Hamel (1904)

Au mois de novembre 1904, le chef de police Silas H. Carpenter ramène à Montréal D. Alphonse Hamel, ancien payeur de la Corporation de Montréal, qui s'était enfui à Cuba après avoir encaissé un faux chèque d'environ $10 000.


Le Journal, 12 mars 1904

Âgé de 42 ans, D. Alphonse Hamel occupait depuis 14 ans la fonction de payeur de la Corporation de Montréal. Le comptable de formation avait pour tâche principale la gestion du paiement du salaire des journaliers et des contremaîtres à l'emploi de la ville de Montréal.


D. Alphonse Hamel
(Source: "Histoire de la Corporation de la Ville de Montréal", par J. Cléophas Lamothe, 1903)

Le vendredi 4 mars 1904, Hamel est suspendu de ses fonction pour cause d'ivresse au travail. Le lundi suivant, il se présente au comptoir de la Banque de Montréal pour encaisser un chèque au montant de $9985. Même s'il s'agit d'une somme considérable pour l'époque,  l'événement n'éveille aucun soupçon, étant donné le poste de payeur occupé par Hamel. De plus, le chèque semble comporter toutes les signatures requises, à savoir celle de William Robb, trésorier de la Cité, celle de Justinien Pelletier, assistant-contrôleur, et celle de Joseph P. Hewitt, caissier de la Cité.


De gauche à droite: William Robb, Justinien Pelletier et Joseph P. Hewitt, dont les signatures ont été imitées sur le chèque encaissé par Alphonse Hamel.
(Source: "Histoire de la Corporation de la Ville de Montréal", par J. Cléophas Lamothe, 1903)


Ce n'est que quelques jours plus tard qu'on constate la supercherie: un blanc de chèque a été retiré de son livret,  les trois signatures ne sont que d'habiles imitations et Alphonse Hamel est désormais introuvable!


Le chèque frauduleusement encaissé par Hamel
(Source: The Montreal Daily Witness, 15 novembre 1904)

Nul autre que Silas H. Carpenter, chef de la sûreté de Montréal, se lance à la poursuite de Hamel. Il tente d'abord d'intercepter le fugitif à New York mais, une fois sur place, il constate que Hamel s'est déjà embarqué dans un paquebot en partance pour La Havane.


Silas H. Carpenter
(Source: Album universel, Vol. 19, no 31, 29 novembre 1902)

En septembre 1904, le chef Carpenter se rend à Cuba dans le but d'arrêter Alphonse Hamel. Cependant, il n'existe pas de traité d'extradition entre Cuba et le Canada. Hamel utilise désespérément tous les recours juridiques qui pourraient lui permettre d'éviter un retour forcé à Montréal. L'affaire se rend jusqu'en Cours Suprême de la Havane

C'est finalement en novembre 1904 que Silas H. Carpenter peut escorter Hamel pour qu'il subisse son procès à Montréal. Le chef Carpenter aura passé plus de 2 mois à Cuba, et on raconte que le climat de l'endroit a affecté sa santé!

Le 24 novembre 1904, Alphonse Hamel plaide coupable devant le juge François-Xavier Choquet. Il demande la clémence de la cour afin d'épargner sa femme et ses enfants.  Le juge réplique que rien dans le comportement d'Hamel ne montre le moindre repentir: après avoir trahi la confiance de ses employeurs, il s'est enfui à l'étranger et a dépensé la majeure partie de l'argent qu'il avait volé pour tenter d'empêcher son extradition. Alphonse Hamel est condamné à 7 ans de pénitencier, peine qu'il purgera au pénitencier Saint-Vincent-de-Paul.


Le Canada, 25 novembre 1904

L'affaire n'est pas encore complètement réglée, toutefois. Maintenant qu'il est bien établi qu'Alphonse Hamel est dans l'incapacité de rembourser ce qu'il a volé, la ville de Montréal entame des poursuites contre la banque de Montréal afin que cette dernière rembourse les $10 000 dérobés par Hamel et assume les frais de $2000 qui ont été nécessaires à son extradition. 

Emprisonné depuis deux ans, Alphonse Hamel devait témoigner le 11 septembre 1906 dans le cadre de ce procès, qui n'aura finalement pas lieu, les deux parties préférant négocier un compromis.


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Yves Pelletier