Disparition de l'aviateur Paul Redfern (1927)

L'année 1927 a particulièrement marqué l'histoire de l'aviation grâce à la traversée sans escale de l'océan Atlantique par Charles Lindbergh. Mais Lindbergh était loin d'être le seul pilote téméraire de sa génération: cette époque est marquée par un grand nombre d'envolées qui avaient pour objectif d'établir de nouveaux records.

Ainsi, le 25 août 1927, le pilote Paul H. Redfern, 25 ans,  s'envolait de Brunswick, en Georgie (États-Unis) dans l'espoir d'atteindre Rio de Janeiro, situé 7200 km plus loin, en solitaire et sans escale.  (Redfern avait d'abord envisagé un vol entre San Francisco et Honolulu, mais il avait été devancé par Lester Maitland et Albert Hegenberger deux mois plus tôt).

S'il avait atteint son objectif, Redfern aurait été l'auteur du plus long vol panaméricain de l'histoire. Mais dès le départ, de nombreux observateurs se montrent sceptiques: Redfern fera face à des vents contraires, et l'absence de  lune l'obligera à voler dans l'obscurité la plus totale pendant la nuit. Pire encore, on calcule que les 525 gallons de carburant de son Stinson Detroiter (baptisé Port of Brunswick) ne dureront que 57 heures, alors que le trajet durera au moins 62 heures.

Le Droit, 27 août 1927

Puisque l'avion ne comporte pas de radio, les journalistes ne s'inquiètent pas outre mesure, dans les jours suivant le décollage, de n'avoir reçu aucune nouvelle à son sujet.  Les seuls à avoir vu l'avion en vol sont les marins du navire norvégien Christian Krong. Le 26 août, l'avion de Redfern a tourné plusieurs fois au-dessus du navire et a laissé tombé cinq messages, dont trois furent recueillis par l'équipage:

  1. Veuillez pointer le navire vers la terre ferme la plus rapprochée.

  2. Signalez une fois pour chaque distance de cent milles qui m’en sépare.

  3. Merci. Redfern

L'avion se dirigeait alors vers le Vénézuela. 

Ce témoignage ne fut toutefois diffusé que le 6 septembre, à l'arrivée du Christian Krong au port de la Nouvelle-Orléans. À ce moment, il était déjà évident que Redfern n'avait pas atteint sa destination; tout ce qu'on pouvait encore espérer, c'est qu'il soit parvenu à atterrir sain et sauf dans un endroit où il lui était impossible de communiquer avec la civilisation.


La Patrie, 2 septembre 1927

Cinq ans plus tard, en décembre 1932, les journaux québécois parlent à nouveau de Paul Redfern: l'explorateur Charles Hesler aurait entendu parler d'un homme blanc descendu du ciel, qui serait retenu captif par des indiens d'Amérique du Sud.  En 1935, l'explorateur Tom Roch prétend même qu'il a rencontré Redfern, mais qu'il lui a été impossible de le ramener à la civilisation parce qu'il est invalide et que les indiens le gardent captif.

Le Soleil, 7 décembre 1935

Le 20 février 1936, un certain Alfred Harred raconte une histoire similaire à celle de Tom Roch, mais il ajoute des détails qui semblent tout droit sortis d'un roman de Jules Vernes ou d'Edgar Rice Burroughs: en compagnie de l'aviateur Arthur Williams, il raconte avoir retrouvé Paul Redfern dans la jungle, vêtu de sous-vêtements en lambeaux. Il a été rescapé par des indiens qui le vénèrent comme un "dieu tombé du ciel", il se déplace en béquilles et a eu un fils d'une indienne qu'il a épousée. Malheureusement, Harred et Williams n'ont pu ramener Redfern avec eux, car pas moins de 500 indiens les ont poursuivis en leur lançant des flèches empoisonnées! (Admirons leur talent: échapper indemnes à 500 indiens qui vous lancent des flèches empoisonnées n'est certes pas une mince tâche.)

Dès le lendemain, cette rocambolesque histoire est niée par Arthur Williams, qui est réellement à la recherche de Paul Redfern, mais qui ne connaît pas du tout Alfred Harred. Harred lui-même confirmera quelques jours plus tard qu'il s'agissait d'un canular.

La Patrie, 20 février 1936

Au cours des années, de nombreuses expéditions ont été organisées dans le but de retrouver Redfern.  En plus d'échouer dans leur objectif, elles connurent parfois une conclusion tragique. Le 8 avril 1936, on annonce le décès de James A. Ryan, qui s'est noyé en Guyane Hollandaise pendant qu'il recherchait Redfern. En février 1938, c'est le Dr Frederick John Fox, scientifique natif de l'Ontario, qui trouve la mort pendant l'expédition Waldeck.

Le Droit, 16 janvier 1936


Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Tumultueuses élections municipales à Jacques-Cartier (1957)

Double meurtre à Saint-Simon (1967)

Le faux chèque d'Alphonse Hamel (1904)