Le vol du vaccin Salk contre la polio (1959)

Le 31 aout 1959 vers 3 heures du matin, trois hommes masqués et armés font irruption dans les laboratoires de l'Institut de microbiologie de l'Université de Montréal, à Laval-des-Rapides. Après avoir vainement tenté de ligoter Arpolis Béland, le gardien de nuit, ils l'enferment dans la cage des singes rhésus, qui sont utilisés pour la production des vaccins. Au lever du soleil, lorsqu'il parvient enfin à se libérer, le gardien constate qu'en plus d'avoir volé sa voiture, les bandits ont complètement vidé le réfrigérateur qui renfermait 6800 fioles du vaccin Salk, qu'on était sur le point de distribuer dans les cliniques de vaccination un peu partout dans la province.

Un technicien de l'institut devant les étagères vides. 
(Montréal-Matin, 1er septembre 1959)

Ce vol est particulièrement choquant, car il survient au moment où la province est aux prises avec une importante épidémie de poliomyélite, une maladie infectieuse qui s'attaque surtout aux enfants, causant des paralysies, des malformations permanentes et même la mort, lorsqu'elle s'attaque au système respiratoire.  Les 6800 fioles dérobées auraient permis d'inoculer une deuxième dose à 75 000 enfants ; mais puisque 8 mois sont nécessaires à la fabrication du vaccin, la campagne provinciale de vaccination est en péril.

Le Petit Journal, 9 aout 1959

Le lendemain du vol, les policiers interrogent Jean-Paul Robinson, qui se prétend étudiant en médecine. Robinson a tenté de vendre une centaine de fioles de vaccin Salk à Gaston Bédard, un pharmacien de Pont-Viau. Robinson est bientôt relâché, après avoir fait valoir que le vaccin qu'il vendait provenait plutôt de surplus d'une clinique de vaccination qu'il avait organisée.

Vaccins retrouvés 

Coup de théâtre:  trois jours après le vol, suite à un appel téléphonique anonyme, la police retrouve la presque totalité des vaccins volés dans un appartement inhabité de la rue St-Hubert. Tout est bien qui finit bien? Oui et non: puisqu'on ne sait pas si les vaccins ont été correctement réfrigérés depuis le cambriolage, il sera nécessaire de les tester à nouveau sur des singes rhésus, ce qui nécessitera plusieurs semaines.

 

Le Devoir, 4 septembre 1959

Jean-Paul Robinson recherché

L'enquête policière se poursuit malgré tout, et l'étau se resserre sur Jean-Paul Robinson, celui qui avait été interrogé le lendemain du crime.

On a découvert que Robinson a visité les laboratoires de l'Institut de Microbiologie de l'Université de Montréal, à Laval-des-Rapides, dans les jours précédent le vol du vaccin, en se faisant passer pour un étudiant en médecine (ce qu'il n'est pas). On sait aussi que c'est lui qui a loué l'appartement dans lequel les vaccins on été retrouvés, et qu'il a tenté de vendre un certain nombre de ces vaccins au pharmacien Gaston Bédard. 

 

La Presse, 25 novembre 1959


Pendant de nombreuses semaines, Robinson est introuvable. Sa femme fait courir la rumeur qu'il pourrait avoir été exécuté par ceux qui ont volé le vaccin, d'autres pensent qu'il a quitté le pays. On le retrouve finalement dans une maison de ferme récemment louée par sa femme. Il porte des lunettes et une moustache, dans une tentative manifeste de ne pas être reconnu.

 

La Patrie du Dimanche, 25 octobre 1959

L'enquête préliminaire de Jean-Paul Robinson a lieu le 24 novembre 1959; il est accusé du vol et du recel de 6800 fioles de vaccin Salk.

La condamnation de Gilles Hébert

En septembre 1960, alors que Jean-Paul Robinson est toujours dans l'attente de son procès, un certain Gilles Hébert, un jeune toxicomane de 23 ans, admet au policier qu'il a participé au vol de vaccins commis un an plus tôt, en échange de la somme de $500. Il fournit une description détaillée du déroulement du crime, qu'il prétend avoir perpétré en compagnie de Jean-Paul Robinson et de personne d'autre (le gardien de sécurité Arpolis Béland avait pourtant parlé de trois malfaiteurs).

La Presse, 24 septembre 1960
 

Lors de sa comparution, Hébert plaide d'abord coupable, mais se ravise le lendemain. Sa confession aux policiers est tout de même retenue en preuve, et il est condamné à 4 ans de pénitencier pour sa participation au vol du vaccin.   

La Presse, 17 février 1961

Le procès de Jean-Paul Robinson

Après plusieurs ajournements, le procès de Jean-Paul Robinson débute finalement le 6 juin 1961, soit près de 2 ans après le vol du vaccin.

Tout va de travers pour la poursuite. Le premier témoin, Gilles Hébert, qui sert une peine de prison après avoir confessé avoir été le complice de Robinson, prétend n'avoir jamais rencontré l'accusé.

Quant au pharmacien Gaston Bédard, tout en admettant que Robinson a tenté de lui vendre des vaccins le lendemain du cambriolage, il insiste sur le fait qu'il lui en avait déjà vendu auparavant­.

Jean Paul-Robinson
(La Presse, 10 juin 1961)

Robinson se présente pour sa part comme un bienfaiteur de l'humanité. Non, il n'a pas participé au vol de vaccins. Toutefois, puisqu'il a été l'organisateur d'une clinique mobile de vaccination, il est relativement bien connu dans le milieu de la santé. C'est certainement pour cette raison qu'un certain Bob, qu'il avait déjà rencontré à sa clinique, l'a contacté pour lui vendre les vaccins volés.

La seule raison pour laquelle Robinson a accepté d'acheter ces vaccins pour la somme de $800, c'est que le mystérieux Bob a menacé de les jeter dans le fleuve Saint-Laurent s'il ne trouvait pas d'acheteur, et ce gaspillage aurait été une véritable tragédie pendant l'épidémie. Robinson a donc acheté les vaccins dans le but de les rendre à la population, espérant se faire rembourser par la suite par le gouvernement.

C'est pourquoi il a lui-même téléphoné à la police pour leur indiquer l'endroit où il avait entreposé le vaccin. Il a fait son appel à partir de sa chambre à l'hôpital Jean-Talon, où il avait été admis d'urgence suite à des problèmes cardiaques. Il a ensuite fuit la police en constatant qu'il était faussement suspecté d'avoir participé au vol.

Jean-Paul Robinson acquitté 

Contre tout attente, même s'il considère que certaines des explications offertes par Robinson sont peu vraisemblables, le juge Henri Masson-Loranger considère que la Couronne n'est pas parvenue à prouver de façon satisfaisante que Robinson est bien coupable des crimes qui lui sont reprochés. Jean-Paul Robinson est donc acquitté, faute de preuve, le 31 mars 1962.

La Presse, 31 mars 1962

 

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Premiers piétons victimes de l'automobile à Montréal et à Québec (1906-1908)

Au début du XXe siècle, le nombre d'automobiles circulant dans les rues augmente rapidement, ce qui constitue un nouveau danger pour les piétons.

À Montréal, le premier piéton heurté mortellement par une automobile a été Antoine Toutant, le 11 août 1906, alors qu'à Québec, la première victime fut Eva Gagnon, le 4 octobre 1908. 

Montréal,  11 août 1906 Antoine Toutant, 59 ans

La Presse, 13 août 1906

"Plusieurs fois nous avons eu à relater des accidents survenus aux occupants de ces voitures à moteurs, mais c'est la première fois, depuis leur apparition à Montréal que l'un de ces encombrants véhicules cause la mort d'une personne dans notre ville." (La Presse, 13 août 1906)

Le samedi 11 août 1906 vers 20h30, Antoine Toutant, un "agent solliciteur en portraits au crayon" de 59 ans, est mortellement heurté par une automobile sur la rue Sainte-Catherine, près de l'intersection Maisonneuve. Accompagné de sa femme et de leur fils Oswald, âgé de 14 ans, Toutant était en train de traverser la rue Ste-Catherine au moment où un tramway s'est immobilisé pour faire descendre des passagers.

Antoine Toutant (La Patrie, 13 août 1906)
 

Pendant ce temps, une automobile qui roulait, selon des témoins, à une vitesse excessive, tente de contourner le tramway.  L'automobile, qui appartient au Parc Dominion, est conduite par Thomas H. Atkinson.  Herbert Dalbich, un autre employé du Parc Dominion, se trouve également dans le véhicule.

 "J'ai assisté, a ajouté le témoin, à des courses, j'ai vu des tramways à toute vitesse, mais je n'ai vu jamais un cheval ou une voiture aller à une telle vitesse. Je ne crois pas exagérer en disant que la machine allait à une vitesse de 35 milles à l'heure."  (R. Ernest Lambert, lors de l'enquête du coroner, cité dans La Presse du 13 août 1906)

La Presse, 13 août 1906

 "L'auto allait à une telle vitesse que le pauvre homme n'eut pas le temps de l'éviter et fut pris dans la dernière roue, d'arrière. Le malheureux fut lancé à une distance de sept ou huit pieds et écrasé par la machine. Son petit garçon, Oswald, eut la jambe droite meurtrie par l'une des roues de la machine, mais il ne s'infligea aucune autre blessure grave." (La Presse, 13 août 1906)

La victime inconsciente est immédiatement transportée à la pharmacie Gauvin, située à proximité de l'accident. De là, une ambulance le transporte à l'hôpital Notre-Dame, où il rend l'âme 20 minutes plus tard. Atkinson et Dalbich sont immédiatement arrêtés.

Le lendemain, lors de l'enquête du coroner Biron, le jury demande que le conducteur Atkinson demeure emprisonné. Dalbich, qui était passager dans le véhicule mais ne le conduisait pas, est libéré, mais sera arrêté à nouveau, quelques semaines plus tard, pour avoir lui-même conduit trop rapidement sur la rue Ste-Catherine!

 

La Presse, 11 septembre 1906
 

Lors de son procès, en septembre, Thomas H. Atkinson est condamné à 6 mois de prison pour homicide involontaire.

"Il a été établi que vous alliez au moins à une vitesse de 6 milles à l'heure quand l'accident est arrivée. Le règlement municipal ne vous permettant que 4 milles à l'heure, à l'intersection de deux rues. Dans les circonstances, vu que la rue était bondée de citoyens, vous auriez dû modérer la vitesse de l'automobile de manière à pouvoir l'arrêter instantanément." (le juge Choquet, cité dans La Patrie du 11 septembre 1906)

"Il faut bien comprendre que les routes et les rues appartiennent aux piétons et qu'il est du devoir de tous les conducteurs de véhicules quelconques d'arrêter ou du moins de ralentir leur marche lorsqu'un piéton traverse la route ou la rue. C'est là un devoir légal qui se néglige trop. Toutant n'aurait pas été tué si vous n'aviez pas marché si vite et si vous aviez rempli votre devoir qui consistait à arrêter lorsque vous avez vu la rue encombrée." (le juge Choquet, cité dans La Presse du 11 septembre 1906)

Le décès d'Antoine Toutant semble marquer le début d'une série d'accidents similaires. Le lendemain soir,  une jeune fille nommée Gracie Hill est également heurtée par un automobiliste; elle subit des blessures assez graves, mais survit à l'accident. Une semaine plus tard, Sarfield Fleming, un garçon de 7 ans, est mortellement heurté par une automobile sur le chemin qui conduit à Lachine.

Accident de Sarfield Fleming, La Presse 20 août 1906

"Avant que notre public ne s'exaspère contre les autos, aux mains de chauffeurs novices ou possédés de la folie de la vitesse, notre municipalité devrait prévenir de nouveaux accidents, en prenant des mesures sévères, afin de diminuer autant que possible le nouveau danger public que l'automobilisme multiplie chaque jour davantage. C'est déjà de trop que nous voyions de lourdes charrettes confiées aux soins de gamins, totalement incapables de conduire convenablement un cheval, sans que des autos, véritables faucheuses d'existences, ne soient mis en mains des premiers venus. (...) Nous avions trop de noyades par imprudence; trop d'hécatombes de chemins de fer; de grâce, qu'on nous dispense des bouillies humaines que semble vouloir nous réserver l'automobilisme. " (Album Universel, 25 août 1906) 

 

Québec, 4 octobre 1908: Eva Gagnon, 17 ans 

La Presse, 5 octobre 1908

C'est deux ans plus tard, le 4 octobre 1908, qu'une première citoyenne de la ville de Québec décède sous les roues d'une automobile.

Vers 16h, Eva Gagnon, 17 ans, venait tout juste de descendre du tramway à l'angle des rues St-Bernard et St-Valier, devant l'hôpital du Sacré-Coeur. Elle s'apprêtait à traverser la rue en compagnie d'une amie, Alexandrine Pageau.

 

Eva Gagnon
(à gauche: La Presse, à droite La Patrie, 5 octobre 1908)

"Un automobile venait en ce moment en sens inverse et ralentit son allure afin de laisser passer la jeune fille: celle-ci s'arrêtant aussi et pendant quelques secondes, on fut de part et d'autre dans l'expectative. Soudain, et au moment précis où le chauffeur se décidait à continuer sa route, la jeune fille poussée par une sorte de fatalité s'élança pour passer devant, mais elle avait mal calculé son élan et la malheureuse vint tomber sous les roues du lourd véhicule qui lui passèrent sur le corps. "  (L'Action Sociale, 5 octobre 1908)

Le conducteur de l'automobile, Cyrille Robitaille Jr., transporte la victime chez le Dr. Bédard, où elle décède au bout d'un quart d'heure.

"Quand le correspondant de la Presse se présenta là, hier soir, la douleur de la mère faisait peine à voir: "J'avais quatre enfants, monsieur, nous dit-elle à travers ses sanglots! Il me reste une consolation: ma pauvre fille, en retraite, avait communié les trois derniers matins"."  (La Presse, 5 octobre 1908) 

L'enquête du coroner, qui se tient au domicile du père de la victime, arrive à la conclusion que la vitesse de l'automobile n'était pas excessive, puisque le conducteur l'a complètement immobilisée sur une distance de 10 pieds suite à l'impact. La mort est considérée comme accidentelle puisque le conducteur a fait tout son possible pour éviter l'accident. 

De nos jours, entre 60 et 80 piétons québécois meurent chaque année après avoir été heurtés par un automobiliste. C'était pire à une certaine époque (par exemple, en 1968, 463 piétons ont trouvé la mort sur les routes du Québec!). Nous pouvons nous réjouir des progrès accomplis en matière de sécurité routière, mais chaque victime est une victime de trop.

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    Une automobile dans les rues de Montréal! (1899)

    La première promenade en automobile de l'histoire de Montréal ne passa pas inaperçue, puisqu'elle fut annoncée à l'avance dans les journaux:

    "Montréal verra aujourd'hui, pour la première fois, une voiture automobile fouler l'asphalte de ses rues. À 4 heures, M. U. H. Dandurand, propriétaire du véhicule et agent pour tout le Canada, accompagné`de Son Honneur le maire de Montréal et d'une couple d'autres citoyens marquants, fera une promenade à travers la ville dans la voiture nouveau genre. M. Dandurand a fait l'essai de son automobile, et il dit qu'il fonctionne à merveille." (La Presse, 21 novembre 1899)

    La Patrie, 22 novembre 1899

    L'agent d'immeubles Ucal-Henri Dandurand, est généralement considéré comme le premier automobiliste montréalais. D'autres québécois, toutefois, l'avaient devancé: comme nous l'avons déjà raconté dans un précédent article, le Dr. Henri-Edmond Casgrain, dentiste de Québec, roulait dans sa voiturette Bollé depuis juin 1897. C'est aussi en 1897 que le très débrouillard George Foote Foss a roulé dans les rues de Sherbrooke au volant de l'automobile...qu'il avait lui-même fabriquée!

     

    Ucal-Henri Dandurand (La Presse, 15 juillet 1908)

    Notons également le que titre de "premier automobiliste montréalais" de monsieur Dandurand est parfois mis en doute.  Dans Le Bulletin des Recherches Historiques de mars 1924, on peut lire:

    "À Montréal, les automobiles firent leur apparition au printemps de 1898. Les deux premiers furent achetés aux États-Unis par MM. L.-C. Rivard et A. Guillet. Le troisième automobile fut amené à Montréal par M. U. - H. Dandurand."


    Cette thèse est également reprise en 1982 dans la revue historique "Nos Racines" numéro 119: 

    "À Montréal, un grand amateur de publicité, Ucal-Henri Dandurand, acheta sa Walthan à vapeur au mois de novembre 1899. Il fit un tel tapage qu'on a cru et qu'on croit encore, qu'il est le premier Montréalais à avoir possédé et conduit une voiture automobile. C'est faux et, à ce chapitre, l'honneur revient à messieurs L.-C­ Rivard et E. Guillet. Leurs deux voitures, des américaines, ont roulé dans la boue au printemps 1898." 

    Malheureusement, il semble difficile de trouver plus d'informations sur les promenades en automobile de ces messieurs Rivard et Guillet, qui semblent avoir été beaucoup plus discrets que U. H. Dandurand­. L'Étoile du Nord du 10 mai 1900 mentionne bien l'arrivée à Joliette d'une automobile conduite par Lewis C. Rivard, gérant de la manufacture de tabac, ce qui démontre au moins qu'il a été propriétaire d'une automobile à la même époque que Dandurand.

    Revenons donc à cette promenade en automobile ultra-publicisée, effectuée par Ucal-Henri Dandurand dans les rues du centre-ville de Montréal le 21 novembre 1899:

    Hier après-midi, le premier automobile est passé par nos rues principales, et l'expérience a été couronnée de succès. (...)
    La machine est aussi facile à conduire qu'une bicyclette, sans que l'on ait à la maintenir en équilibre. Elle peut rouler à 22 allures différentes.
    Elle conserve à peu près la même vitesse en gravissant une côte qu'en marchant sur un terrain plat. Les descentes de côtes s'opèrent sans difficulté grâce à un frein à air dont elle est munie.
    Hier après-midi, l'on est monté par la côte de la rue Windsor et descendu par celle du Beaver Hall.
    La machine, poussée à toute vitesse, peut atteindre une allure de 2 minutes au mille, mais sur la route, sa vitesse ordinaire est de 15 milles à l'heure.
    (La Patrie, 22 novembre 1899)

     

    U.H. Dandurand et le maire Raymond Préfontaine
    La Patrie, 25 novembre 1899

    Pour Dandurand, cette démonstration publique n'est pas qu'une simple activité récréative puisque, avec son associé J. A. Corriveau, il espère bien vendre un grand nombre d'automobiles à ses concitoyens.

     

    Publicité dans La Presse 14 avril 1900

     

    La voiture conduite par Dandurand est un véhicule à vapeur de marque Waltham fabriqué aux États-Unis dans les ateliers de la New England Motor Carriage Company. En plus d'un réservoir de "gazoline" de 6,5 gallons, la voiture est équipée d'un réservoir d'eau de 16 gallons, ce qui lui permet en principe de rouler sur une distance d'environ 100 milles (l'essence sert à chauffer l'eau, dont la vapeur actionne le moteur). 

    "Il faut dire que la voiture avait grande allure. La carrosserie était de coeur de chène, les roues étaient de broche fine et elle était montée haut sur pattes comme un héron. Hélas! elle était d'une nudité indécente: pas de phares, ni klaxon, ni pare-chocs, ni toit, ni pare-brise." (Henri Dandurand, Perspectives 5 janvier 1963)


    La famille Dandurand dans la Waltham en 1899
    (Le Petit Journal, 3 juin 1956)
     

     Le service après-vente est impressionnant:

    "Quand M. Dandurand acheta cette voiture, la compagnie Waltham délégua à Montréal un expert de la manufacture qui séjourna ici trois mois, pour apprendre à M. Dandurand comment l'auto fonctionnait."  (Le Petit Journal, 3 juin 1956)

    La Waltham se révèle toutefois tellement peu fiable que Dandurand la retourne au fabriquant après seulement 3 mois d'utilisation. Il fait ensuite l'acquisition de quelques autres automobiles tout aussi insatisfaisantes, jusqu'à ce qu'il devienne propriétaire d'une De Dion-Bouton de fabrications française en 1903: il s'agit de sa cinquième automobile en quatre ans! Cette-fois, il est pleinement satisfait; il utilise cette voiture jusqu'en 1910.

     

    Publicité dans Le Journal, 29 septembre 1902
     

    L'album Universel du 9 mai 1903 publie, au sujet de cette nouvelle acquisition, un article dithyrambique aux allures de publi-reportage:

    "M. Dandurand possède aujourd'hui l'un des automobiles les plus perfectionnés, non seulement du continent, mais du monde entier. Cette voiture est sortie des ateliers de la maison De Dion Bouton, qui est de beaucoup la plus importante manufacture d'automobiles de l'univers.
    L'automobile en question pèse 800 livres et est mû par un pouvoir de six forces de chevaux. La transmission du pouvoir est directe et elle se fait sans l'intermédiaire d'aucune chaîne.
    L'automobile perfectionné dont M. Dandurand se sert tous les jours est pourvu d'un triple frein, ce qui en rend le contrôle très facile. Il est mû par une espèce de pétrole vaporisé, avec combinaison électrique. Il n'a coûté que $1500, mais on ne pourrait acheter un automobile du même modèle aux États-Unis à moins de $2000 ou $2500.
    " (Album Universel, 9 mai 1903)

      

    U. H. Dandurand au volant de sa De Dion-Bouton
    (Album Universel, 9 mai 1903)

    La De Dion-Bouton de Dandurand figure maintenant dans la collection du Musée du Chateau Ramezay. Elle a été restaurée en 1955.

    À sa mort, M. Dandurand donna cette voiture au Château de Ramezay. Elle demeura dans le même état jusqu'à l'automne dernier, alors qu'un industriel décida de la remettre à neuf. La vieille voiture a `été repeinte. Des pneus spéciaux ont été trouvés chez un antiquaire d'Angleterre. (Le Petit Journal, 3 juin 1956) 

    La De Dion-Bouton de Dandurand, exposée au Château Ramezay
     

    En 1904, Ucal-Henri Dandurand se présente aux élections municipales dans l'espoir de devenir maire de Montréal. Ses détracteurs s'amusent à déclarer qu'il ne suffit pas de posséder une automobile pour devenir  maire.  

    "L'autre candidat fut M. U. H. Dandurand, un certain individu dont la seule gloire fut de posséder un automobile. À part cela, il était absolument inconnu du public en général." (L'étoile du Nord, 4 février 1904) 

    "M. U. H. Dandurand a produit son bulletin de présentation, il est vrai, mais le public se demande s'il est réellement un candidat sérieux ou un candidat pour rire. Nous croyons pour notre part que le seul désir de M. Dandurand est de se faire connaître comme agent d'immeubles et d'automobiles. Il serait, en tous cas, curieux de connaître quels sont ses titres à la mairie, ses états de service à l'Hôtel de Ville." (Le Prix Courant, 22 janvier 1904)

    "L'argent est sans doute une graisse excellente, mais M. Dandurand n'en trouvera jamais assez pour graisser à point les roues de son automobile qui devra rester en panne au bas de cette côte abrupte qui mène à la mairie."
    (Le Rappel, 18 octobre 1903)

    "Depuis un an ou deux, il était parvenu à la notoriété, grâce à son inévitable automobile. Dandurand et son automobile étaient connus de tout Montréal comme naguère Forget et son violon. Seul, il ne riait pas, et se prenait au sérieux, car il sentait son gousset gonflé d'assurance et de billets de banques."
    (Le rappel, 24 janvier 1904)

    C'est finalement Hormidas Laporte qui devint maire de Montréal en 1904.

    Le Combat, 17 janvier 1904

     

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