Au début du 20e siècle, Jack Laviolette était un des sportifs les plus populaires de Montréal. On se souvient surtout de lui comme membre des Canadiens de Montréal pendant les 9 premières saison de l'équipe, mais il s'est également illustré à la crosse, à la course automobile et à la course en motocyclette ... jusqu'à ce qu'un accident le prive d'un de ses pieds.
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Jack Laviolette (Bibliothèque et Archives Canada) | |
Né à Belleville, en Ontario en 1879, il s'est toujours fait appeler Jack même si son véritable prénom était Jean-Baptiste. Il a appris à patiner très tôt grâce à de rudimentaires patins en bois que son père avait fabriqués.
Alors qu'il a environ 12 ans, sa famille déménage à Valleyfield, où il fait la connaissance de Didier Pitre, qui sera pendant de nombreuses années son coéquipier au hockey et à la crosse.
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Jack Laviolette et Didier Pitre (Bibliothèque et Archives Canada) |
Débuts à Montréal (1902-1904)
Arrivé à Montréal pour y gagner sa vie, on sait qu'il a joué pour une équipe de la ligue de hockey de la cité de Montréal pendant la saison 1902-1903.
Les premières mentions de Jack Laviolette dans les journaux québécois
datent toutefois de l'été 1903, alors qu'il est membre de l'équipe de crosse du
National de Montréal, à la position "attaque intérieure". À cette
époque, la crosse est un sport extrêmement populaire, qui attire des foules de quelques milliers de spectateurs.
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Jack Laviolette dans l'uniforme du National (Bibliothèque et Archives Canada) |
"Jack est solide, rapide à la course et très audacieux. C'est une bonne recrue." (Le Journal, 4 juin 1903)
"Le
National était privé des services de l'un de ses bons joueurs, Jack
Laviolette, que ses occupations empêchaient de jouer. Son absence fut
vivement ressentie, et l'on peut supposer que s'il eut été à son poste,
le résultat aurait été différent." (La Presse, 21 septembre 1903)
Pendant l'hiver 1903-1904, Jack Laviolette fait toujours partie du National mais, cette
fois, à titre de joueur de hockey. Jouant à l'aile gauche, il marque 8 buts dans une courte saison de 6 parties.
Hockey aux États-Unis (1904-1907)
Au début du mois de mars 1904, le club de hockey du
National est invité à jouer quelques parties à Sault-Sainte-Marie (il
s'agit de Sault Sainte-Marie au Mishigan, et non de Sault-Sainte-Marie
en Ontario), et Jack Laviolette ne passe pas inaperçu:
"Les journaux locaux ne cessent de louanger les visiteurs. Pour
eux, Laviolette et Prévost sont les plus habiles homme à manier le bâton
qu'ils aient jamais vus. Le National a joué un jeu sans reproche, ce
que ne peut pas dire le club local." (Le journal, 8 mars 1904)
Cet intérêt des américains envers Laviolette n'est pas anodin: on inaugure à Sault Sainte-Marie une équipe professionnelle de hockey: les Mishigan Soo Indians, qui feront partie de la toute nouvelle International Professional Hockey League. Après avoir joué une deuxième saison avec l'équipe de crosse du National à l'été 1904, Laviolette prend la direction de Sault-Sainte-Marie.
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Jack Laviolette et Didier Pitre en 1908 (Bibliothèque et Archives Canada) |
"Jack Laviolette, qui a figuré l'été dernier sur l'équipe du club de
crosse Le National et l'hiver dernier sur celle du club de hockey de la
même association, partira ce soir pour le Sault Ste-Marie, où il jouera
cette saison. C'est là une perte sérieuse, car Jack est un joueur habile
et était l'un des favoris du public." (La Presse, 5 décembre 1904)
En compagnie de Didier Pitre, Laviolette joue au hockey pour les Soo Indians pendant trois saisons consécutives, de 1904 à 1907.
"Si je dois exprimer mon avis sur le meilleur joueur complet de la ligue Internationale de hockey, je suis forcé de décerner la palme à Jack Laviolette, du club Michigan Soo. Le seul fait qu'il a rempli trois positions différentes sur cette équipe, au cours d'une même saison, serait un argument suffisant pour lui mériter le titre de meilleur athlète complet que le hockey ait produit. S'il faut rappeler qu'il a brillé dans les trois positions qu'il a remplies, sur l'alignement du Soo, avec un égal succès, qu'il est l'un des plus rapides patineurs, l'un des plus habiles manipulateurs de la rondelle, l'un des plus rudes artisans sur la glace et probablement le plus endurant des athlètes, dans la ligue Internationale, il est clair qu'il paraisse bien qualifié au titre qu'on lui décerne." (Frank Cleveland, cité dans La Partie du 19 janvier 1936)
Même s'il se dit disposé à réintégrer les rangs du club de crosse du National à l'été 1905, les autorités lui refusent ce privilège puisque, ayant été payé pour jouer au hockey pendant l'hiver, il a perdu son titre d'athlète amateur. Cette restriction est levée pour l'été 1906 mais, cette fois, c'est Laviolette qui refuse l'offre du National.
Retour à Montréal...mais avec le Shamrock (1907-1909)
Laviolette ne revient donc à Montréal qu'au printemps 1907, mais de façon permanente, cette fois. Devenu propriétaire d'un bar à Saint-Henri, il ne quittera plus la métropole.
"Jack Laviolette, le célèbre joueur de crosse et de hockey, que les États-Unis nous avaient enlevé, est revenu ce matin à Montréal, après une absence de trois ans. Laviolette jouera cet été pour le National. Il occupera la position d'inside home. Le héros de tant de joutes mémorables est parfaitement en forme, et sera une précieuse acquisition pour notre club. Il est pratiquement certain qu'il ne retournera pas aux États-Unis l'automne prochain, car le National aura une puissante équipe de hockey, et se propose même de se faire construire un patinoir. " (La Presse, 24 avril 1907)
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Jack Laviolette (La Presse, 30 décembre 1907) |
À cette époque, les équipes montréalaises sont divisées par ethnies: le National est exclusivement formé de joueurs canadiens-français, les irlandais jouent pour le Shamrock, et les anglais jouent pour le Montréal ou pour le Wanderer. Mais Jack Laviolette bouscule l'ordre établi, n'hésitant pas à offrir ses services à l'équipe qui lui offre les meilleures conditions de travail.
Ainsi, après avoir fait bonne figure dans l'équipe de crosse du National pendant l'été 1907, Laviolette cause la surprise en se joignant au Shamrock, l'équipe de hockey des irlandais, pour la saison de hockey 1907-1908. Encore une fois, son ami d'enfance Didier Pitre le suit dans cette aventure. Laviolette jouera deux saisons consécutives pour le Shamrock, à titre de défenseur.
"Les deux célèbres joueurs canadiens-français, Laviolette et Pitre, portaient avant-hier l'uniforme des Shamrocks. Pitre ne resta que très peu de temps sur la glace, étant blessé à la main, mais Laviolette joua une grande partie, et fut l'étoile de la soirée. Il figurait sur la défense, mais il prêta constamment main forte à la division d'attaque et fit de brillantes courses. Il arrêta en outre une foule d'élans du Montréal. Il était le plus rapide patineur dans l'arène, et comme il est extrêmement audacieux, et manie le bâton avec une rare adresse, il provoqua l'enthousiasme et l'admiration de la foules." (La Presse, 30 décembre 1907)
À la crosse, on peut remarquer la même absence de fidélité envers le National, puisque Laviolette signe un contrat avec le club Montréal (un club anglophone) en août 1909. Mais jouera à nouveau à la crosse dans les rangs du National en 1910 et en 1911.
Les Canadiens de Montréal (1909-1918)
En décembre 1909, une nouvelle ligue de hockey est créée: la National Hockey Association, et Laviolette est chargé d'enrôler des joueurs francophone afin de former une nouvelle équipe: les Canadiens! Au départ, Laviolette cumule temporairement les fonctions de joueur, entraîneur et gérant de l'équipe. Il parvient à engager les meilleurs joueurs du National comme Didier Pitre et Édouard "Newsy" Lalonde".
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La Presse, 6 décembre 1909 |
Les premières saisons des Canadiens de Montréal sont assez difficiles. Lors de la saison inaugurale de 1909-1910, l'équipe arrive au septième et dernier rang de la ligue, avec 2 victoires et 7 défaites. L'équipe occupera également le dernier rang de la ligue lors des saisons 1911-1912 et 1914-1915.
Avec le Canadien, Jack Laviolette ne remporte la coupe Stanley qu'une seule fois, à la fin de la saison 1915-1916 (malgré un début de saison catastrophique). L'équipe sera également finaliste à deux occasions.
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Caricature de Jack Laviolette (La Presse, 28 décembre 1911) |
Lors des premières saisons du Canadien, Laviolette est défenseur. Mais dans les dernières saisons, il joue à l'aile. Contrairement à Pitre et Lalonde, il n'était pas un marqueur particulièrement prolifique. Par contre il était reconnu comme un patineur extrêmement rapide, qui avait le sens du spectacle!
Ce n'est pas un être humain que l'on voyait sur la glace, c'était un coup de vent, un cyclone, un bolide, qui traversait la patinoire et en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, Jack était rendu d'un bout à l'autre du rond et revenait à son poste. Sauter par-dessus un adversaire, qui était étendu sur la glace, était pour lui un bien petit obstacle et Jack jouait toujours avec une tuque, qui était cependant plus souvent sur la glace que sur sa tête, vu la vitesse à laquelle il filait. (La Patrie, 29 mars 1928)
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La Patrie, 26 décembre 1912 |
Laviolette est certainement l'un des meilleurs joueurs de hockey de
l'heure présente. Il passe pour être le plus rapide équipier de la
National Hockey Association. Bien qu'on ait souvent dit que ses courses
sensationnelles et ses tours d'acrobatie sur la glace étaient faits dans
le but d'exciter la galerie, l'assertion est fausse car, il n'est pas
un joueur qui déploie plus de sincérité et d'ardeur au jeu que Jack. On
doit se rappeler qu'en mille et une occasions, Laviolette a fait preuve
d'un courage surhumain pour jouer dans des conditions intenables. Que de
fois n'a-t-il pas embarqué sur la glace malade ou estropié! Joueur de
coeur et d'une témérité excessive, Jack est devenu l'idole des
Canadiens-français qui déploreraient beaucoup de ne pas le voir sur
l'équipe du Bleu-Blanc-Rouge, cet hiver. (Le Droit, 6 décembre 1916)
Pendant toute sa carrière sportive, Laviolette s'assurera d'obtenir le meilleur salaire possible pour ses services. Chaque année, en décembre, il est souvent le dernier joueur du Canadien à signer son contrat, laissant entendre qu'il pourrait bien jouer ailleurs, ou s'adonner à des occupations plus lucratives.
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Le Droit, 6 décembre 1916 |
Courses d'automobiles et de motocyclettes (1913-1919)
À partir de l'automne 1913, Jack Laviolette délaisse la crosse et devient pilote de course automobile, et pilote de motocyclettes de course. La plupart de ses courses on lieu le dimanche au Parc Delorimier.
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Jack Laviolette et sa Mercer (La Patrie, 18 juin 1915) |
Laviolette est considéré comme un pilote habile, mais extrêmement téméraire. Les accidents ne sont pas rares. Dès sa première course publique, le 5 octobre 1913, il est forcé d'abandonner après que son bolide ait foncé dans la palissade.
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La Presse, 6 octobre 1913 |
Jack Laviolette et Sprague Cleghorn, deux étoiles montréalaises du
hockey, sont devenus des amateurs enragés de la motocyclette. Laviolette
a fait une mauvaise chute, dimanche dernier, au Parc Delorimier. Mais
quiconque l'a déjà vu jouer dans une partie de hockey, sauter une
vingtaine de pieds au loin et retomber presque la tête sur la glace,
peut très bien imaginer que ce fut presqu'un amusement pour l'ami Jack. (Le Droit, 14 juillet 1914)
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Jack Laviolette à moto (L'autorité, 28 août 1915) |
"(...) Laviolette n'a échappé à la mort comme par miracle. Après avoir dépassé Tuft au premier tour de leur course, sa voiture dérapa, et l'auto de Tuft la prenant du flanc la fit culbuter. Jack se trouva sous sa machine, mais ne fut pas écrasé heureusement. On le releva, mais il n'avait aucun membre de brisé. Il avait seulement reçu un rude choc. Il prit part à plusieurs épreuves dans la suite. Son auto avait toutefois été mis hors de combat." (La Patrie, 21 septembre 1914)
"Un accident, arrivé à Jack Laviolette, hier, dans la première course en motocyclettes, au parc De Lorimier, a été cause qu'il n'a pu terminer l'épreuve, bien qu'il fût en avant de tous ses concurrents. Un obstacle quelconque, qui se trouvait sur la piste, fit capoter sa machine et Jack se blessa tellement en tombant qu'il ne put continuer sa course." (Le Devoir 24 septembre 1917)
Accidents routiers (1915 et 1918)
Téméraire, Laviolette semble l'être aussi lorsqu'il conduit un véhicule dans les rues de Montréal, puisqu'on peut lui attribuer deux accidents avec blessé grave à trois ans d'intervalle, sur la même rue!
En mars 1915, à l'intersection des rues Bourget et Notre-Dame, l'automobile conduite par Laviolette heurte trois piétons. Le plus gravement blessé est le jeune Raoul Doré, qui venait de descendre du tramway. Il a été nécessaire de soulever l'auto pour le dégager, et il souffrait de blessures aux bras, aux jambes et à la tête.
Un autre piéton victime de cet accident, Z. Lalonde, a poursuivi Laviolette en justice, lui réclamant la somme de $150 en dommages et intérêt. Il a finalement obtenu $75 dollars en mai 1916.
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La Patrie, 1er avril 1915 |
Le 1er mai 1918, toujours sur la rue Notre-Dame à Montréal, l'automobile conduite par Laviolette heurte un poteau de fer de la compagnie des tramways. Le pied droit de Laviolette est écrasé sous une pédale et doit ensuite être amputé, ce qui met fin à sa carrière de hockeyeur.
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Le Devoir, 4 mai 1918 |
"On ne verra plus Jack Laviolette en uniforme du Canadien; on ne verra plus ce gars rapide, élégant qui jetait la terreur dans le camp ennemi et dont les exploits soulevaient l'enthousiasme des sportsmen. Non, messieurs, Laviolette a vécu comme athlète; à la suite de l'accident d'auto dont nous parlions avant-hier, il lui a fallu se faire amputer un pied. Le passage de ce gladiateur enlève de notre domaine du sport la figure la plus pittoresque et la plus sympathique qu'il soit possible d'imaginer." (Le Droit, 4 mai 1918)
Quelques faits divers
- En juin 1908, Jack Laviolette, son frère Billy et le lutteur Émile Dubois sauvent quatre familles victimes d'un incendie à Saint-Henri.
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La Patrie, 12 juin 1908 |
- En février 1910, l'homme d'affaire Hubert Raymond, ruiné, quitte précipitamment le pays afin de fuir ses créanciers. Il doit $35 000 à l'hôtelier Jack Laviolette.
- En novembre 1915, Laviolette est accusé pour coups et blessures sur la personne de Raoul Ledoux, un organisateur de courses automobiles. Lors d'une dispute, Laviolette lui a asséné un violent coup de poing qui lui a cassé le nez. Le juge Saint-Cyr condamne Laviolette à une amende... de $2. (Par comparaison, quatre mois plus tard Laviolette devra payer $15 d'amende pour avoir lancé son bâton pendant un match de hockey!).
- En septembre 1923, un frère de Jack, Henri Laviolette, 47 ans, est abattu par Walter Muir, un américain en état d'hébrété. Pour ce crime, Muir est pendu le 17 juillet 1924 à Valleyfield.
Décès (1960)
Qui l'eût cru: notre téméraire
casse-cou allait finalement survivre jusqu'à l'âge de 80 ans. Il décède
le 10 janvier 1960, une semaine avant la cérémonie organisée au Forum
pour inaugurer le 50e anniversaire de la toute première partie du
Canadien de Montréal.
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La Presse, 11 janvier 1960 |
"Jack
Laviolette considéré jusqu'à l'arrivée du regretté Howie Morenz comme
le joueur le plus rapide à avoir évolué dans la Ligue Nationale de hockey
est mort dans la nuit de samedi à dimanche, chez lui à Montréal. Il a
été trouvé mort par des parents venus le visiter. Il a apparemment
succombé à une crise cardiaque." (La Presse, 11 janvier 1960)
Yves Pelletier (Facebook, Mastodon)
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