Le meurtre d'Isidore Poirier à Saint-Canut (1897)

Le 10 mars 1899, à Sainte-Scholastique, Sam Parslow et Cordélia Viau sont pendus pour le meurtre d'Isidore Poirier.

La Presse, 23 novembre 1897
 

Le cadavre d'Isidore Poirier (44 ans) a été découvert le matin du 22 novembre 1897, chez lui à Saint-Canut. Poirier git en travers de son lit, la gorge tranchée au moyen d'un long couteau de boucherie qui a été laissé près de lui, sur l'oreiller. L'état de la pièce démontre qu'il a énergiquement résisté à son agresseur; des objets sont cassés, le sang a giclé un peu partout.

 

Cadavre d'Isidore Poirier
(La Presse, 23 novembre 1897)

 

Le cadavre a été découvert par Noé Bouvrette, un voisin, qui est entré par une fenêtre à la demande de Cordélia Viau, la femme de la victime. De retour à la maison après avoir passé la nuit chez son père à Saint-Jérôme, Cordélia Viau ne parvenait pas à entrer dans la maison car les portes étaient verrouillées.

 

Isidore Poirier, Cordélia Viau et Sam Parslow
(La Patrie 16 décembre 1898 et La Presse 24 septembre 1898)

 

Isidore Poirier et Cordélia Viau étaient mariés depuis 7 ans. Ils n'avaient pas eu d'enfants, mais avaient adopté un garçon. Isidore était un paisible ouvrier qui avait une bonne réputation parmi ses concitoyens. On reprochait toutefois à sa femme Cordélia un mode de vie trop différent de celui des autres femmes de sa classe sociale.  Organiste à l'église, adepte d'équitation, il lui arrivait de boire de l'alcool, semblait peu portée sur les tâches ménagères et, surtout, elle passait beaucoup de temps seule avec Sam Parslow un journalier de 34 ans qui effectuait parfois des travaux pour le couple Poirier. Les ragots concernant une hypothétique relation illicite entre Sam et Cordélia scandalisaient bien des villageois. Quelques années auparavant, la famille de Parslow avait même fait pression auprès du curé pour qu'il intervienne; ce dernier avait envoyé une lettre à Isidore Poirier, qui travaillait alors en Californie, pour lui conseiller de garder un oeil sur sa femme.

 

La Presse, 24 novembre 1897
 

On pense d'abord à un suicide, mais cette hypothèse est assez rapidement écartée, car Poirier n'aurait pas pu se scier lui-même la gorge de cette manière, en utilisant un couteau qui n'était pas très bien aiguisé.  Une profonde coupure à une main suggère plutôt qu'il a tenté de saisir le couteau par la lame dans une tentative de résister à son agresseur. Les soupçons se tournent naturellement vers Cordélia Viau et Sam Parslow, qui pourraient avoir voulu se débarrasser de Poirier dans l'espoir de vivre leur amour plus librement.

Cordélia Viau et Sam Parslow sont tous les deux mis en état d'arrestation avant même la conclusion de l'enquête du coroner. Grâce à un subterfuge, le détective K. P. McCaskill obtient les aveux de Cordélia Viau. Après avoir prétendu que les preuves contre elle sont solides et qu'elle n'a aucune chance de s'en sortir, il la fait parler dans une pièce où le coroner Pierre Migneault et le grand connétable Moïse Brazeau, dissimulés derrière un rideau, peuvent entendre tout ce qu'elle dit.

 

K.P. McCaskill, Moïse Brazeau et le Dr.  Pierre Migneault
(La Presse 26-11-1897, La Patrie 16-12-1898, La Presse 28-11-1897)

Cordélia Viau déclare alors que c'est Sam Parslow qui a tué Isidore Poirier, et qu'elle connaissait ses intentions depuis plusieurs mois. Dans les mois précédents, Parslow s'était même procuré un revolver dans le but d'assassiner Poirier, mais Cordélia l'avait dissuadé de procéder de cette façon car le bruit de la détonation aurait été entendu par les voisins. Parslow avait donc utilisé un couteau de boucherie pris dans la cuisine du couple Poirier. Cordélia insistait sur le fait qu'elle était absente au moment du crime, qui avait été commis pendant  qu'elle était en visite chez son père à Saint-Jérôme.

 

La Patrie 26 novembre 1897
 

Les aveux de Sam Parslow sont ensuite obtenus dans la même salle, après qu'on l'ait mis au courant des propos de Cordélia. Il confirme avoir tué Poirier parce que Cordélia n'était pas heureuse avec lui. Parslow déclare toutefois que Cordélia Viau était présente à ses côtés au moment du crime.

Meurtre de Poirier, tel que relaté par Parslow
("Histoire d'un crime horrible". par G. A. Benoît)


Une perquisition dans la famille de Parslow permet de récupérer le révolver ainsi que les vêtements qu'il portait au moment du crime avec, dans une poche, la clé de la maison Poirier. Contre toute attente, ces vêtements ne sont pas souillés de sang.

La couverture médiatique est considérable. La Presse et La Patrie rivalisent pour obtenir des entrevues exclusives avec les accusés et leur entourage. Le journaliste de La Presse accompagne même les détectives lorsqu'ils fouillent la maison Poirier en quête d'indices. Étonnamment, l'opinion générale semble relativement favorable à Parslow: on le considère comme une bonne personne qui a été manipulé­e, voire même hypnotisée par sa bien-aimée. De son côté, Cordélia Viau est dépeinte comme une froide manipulatrice dénuée de toute morale. 

Les deux accusés sont jugés séparément à Sainte-Scholastique; il aurait évidemment été plus équitable pour Cordélia Viau que le procès se tienne dans une région où les préjugés à son endroits sont moins fortement ancrés dans la population. Dans les deux cas, le procès est présidé par le juge Henri-Thomas Taschereau, futur juge en chef de la province de Québec. Cordélia Viau est défendue par Me Dominique Leduc et Sam Parslow par Me Joseph Arthur Calixte Éthier (qui est à ce moment député fédéral).

 

Henri-Thomas Taschereau, Dominique Leduc, J.A.C. Ethier
(La Patrie 16 décembre 1898 et La Presse 29 novembre 1897)

 

Premier procès de Cordélia Viau

Le procès de Cordélia Viau débute le 17 janvier 1898. L'avocat de la défense s'oppose en vain à ce que les aveux de l'accusée soient retenus en preuve, ces aveux ayant été obtenus par la ruse et l'intimidation. La couronne tente de faire témoigner Sam Parslow, mais il refuse de le faire.

Cordélia Viau, La Presse 25 novembre 1897
 

Parmi les preuves présentées, mentionnons un soulier de femme, trouvé dans les affaires de Cordélia Viau, dont l'empreinte correspond parfaitement à une empreinte formée dans une flaque de sang sur le plancher (cette partie du plancher a été découpée afin d'être présentée devant le tribunal). La chaussure ne portant aucune trace de sang, on suppose qu'elle aurait été nettoyée après coup. (Mais on découvrira plus tard que l'empreinte peut très bien avoir été faite par un coin de tapis!)

Le témoin Évariste Champagne,  inspecteur de la compagnie d'assurance Standard Life raconte que Cordélia Viau avait beaucoup insisté pour qu'Isidore Poirier adhère à une assurance vie de $2000. Poirier était réticent, considérant qu'il n'avait pas les moyens de payer une telle assurance. De plus, le 17 janvier 1897, Cordélia Viau avait rédigé une lettre à Champagne pour lui demander explicitement si l'assurance demeurait valable en cas de mort violente: "par exemple, s'il vient à être empoisonné, s'il se fait tuer de n'importe quelle manière, s'il se fait tuer par des chars. Mon mari veut savoir si son assurance sera payée quelque soit la mort dont il meurt."

Une fois emprisonnée, Cordélia Viau aurait tenté de communiquer avec Parslow, dans sa cellule, lui demandant de dire qu'elle était absente au moment du crime.

La thèse de la poursuite est que Cordélia Viau a convaincu Sam Parslow d'assassiner Isidore Poirier dans le but d'encaisser les $2000 de l'assurance vie.

Le crime aurait eu lieu entre 15h30 et 16h30 le dimanche 21 novembre, juste après que Cordélia Viau et Sam Parslow soient revenus des vêpres. Les voisins Bouvrette ont vu Cordélia Viau quitter la résidence pour aller chez son père vers 16h30, et Parslow est allé chez ses frères George et Édouard.

"Tableau symbolique des pensées qui ont assailli Cordélia Viau
dans son cachot pendant la longue nuit qui a suivi le verdict d'hier."
(La Presse, 3 février 1898)

Le 2 février 1898, Cordélia Viau est trouvée coupable du meurtre de son mari. Ses avocats font immédiatement appel, puisqu'ils continuent de contester la recevabilité des aveux faits devant McCaskill.  On décide d'attendre la décision de la Cours Suprême avant de débuter le procès de Sam Parslow.

Deuxième procès de Cordélia Viau 

Même si la Cours Suprême considère que les aveux étaient recevables en preuve, elle juge que certaines irrégularités justifient la tenue d'un nouveau procès. Le deuxième procès Cordélia Viau débute le 5 décembre 1898, toujours à Ste-Scholastique, devant le même juge Henri-Thomas Taschereau. Puisque les témoins sont les mêmes qu'au premier procès, un greffier lit chaque témoignage fait lors du premier procès, et le témoin confirme ensuite qu'il maintient son témoignage initial.

Cordélia Viau, La Presse 16 décembre 1898
 

Tout annonçait un procès sans surprise, jusqu'au 13 décembre quand le shérif Lapointe est appelé à la barre par la poursuite. Un journal anglophone prétend que Cordélia Viau lui a fait des aveux dans la prison: est-ce bien le cas?

 

La Patrie, 13 décembre 1898
 

Le shérif Lapointe est embarrassé: l'accusée lui a effectivement fait des aveux, mais à la stricte condition qu'il garde le secret! Devant le tribunal, toutefois, il a l'obligation de révéler la vérité.

Le Shérif Lapointe (La Patrie, 16 décembre 1898)
 

Dans cette conversation confidentielle, Cordélia Viau a confirmé le témoignage de Parslow à l'effet qu'elle était présente sur les lieux au moment du meurtre.

"Parslow a donné le premier coup à Poirier qui s'est levé tout droit debout et là ils se sont pris ensemble et ont tombé sur le plancher. C'est là que Parslow a fait la blessure que mon mari avait au bras. Nous l'avons laissé par terre et nous avons cru qu'il était fini, mais tout à coup Poirier s'est levé debout seul et a tombé à la renverse sur le lit dans l'état où il a été trouvé le lundi matin. Nous ne l'avons dérangé en rien, puis il est mort. Parslow avait du sang à sa chemise et il est monté en haut, a pris une chemise de mon mari et fait bruler la sienne dans le poêle."  (La Patrie, 13 décembre 1898) 

Le 16 décembre 1898, à l'issue de son deuxième procès, Cordélia Viau est déclarée coupable, et condamnée à être pendue.

 

La Patrie, 16 décembre 1898

 

Procès de Sam Parslow

Le procès de Sam Parslow peut finalement débuter, toujours à Ste-Scholastique, devant le même juge Tashereau. Suite à la condamnation de sa présumée complice, son seul espoir est de convaincre le jury qu'il a été à toute fin pratique "hypnotisé" par Cordélia. Un journaliste fait remarquer que tous les témoins appelés par la défense insistent sur le caractère doux et "sans énergie" de Parslow. 

 

Sam Parslow (La Patrie, 16 décembre 1898)
 

La plupart des témoignages sont les mêmes que ceux qui ont été entendus deux fois plutôt qu'une lors des procès de Cordélia Viau.

Le 29 décembre 1898, Sam Parslow est déclaré coupable du meurtre d'Isidore Poirier, et est condamné à être pendu le même jour que Cordélia Viau.

 

La Patrie, 29 décembre 1898

 

La pendaison

Jusqu'au dernier instants, les avocats de la défenses espèreront que la peine de mort soit commutée en une peine d'emprisonnement. Après tout, Cordélia Viau ne serait que la troisième femme à être exécutée depuis 1867. De plus, les membres du jury ont signé une déclaration à l'effet que, si le juge les avait autorisés à le faire, ils auraient recommandé Parslow à la clémence de la cours.

La sentence est toutefois maintenue. Le 10 mars 1899, des milliers de personnes envahissent Sainte-Scholastique dans l'espoir d'assister à la pendaison, même si l'accès à la cours de la prison est réservée aux détenteurs de billets. Des fêtards chantent des chansons de mauvais goût en s'accompagnant sur l'harmonium de Cordélia Viau, qui a été vendu à un bar de Sainte-Scholastique.

 

La Patrie, 10 mars 1899
 

Une double potence a été construite, un rideau noir a été installé entre les deux condamnés pour qu'ils ne puissent pas se voir. Ils sont pendus simultanément, quelques minutes après 8 heures.

("Histoire d'un crime horrible". par G. A. Benoît)
 

Après la pendaison, des journalistes de La Presse et de la Patrie demandent à Dominique Leduc, l'avocat de la défense,  si Cordélia Viau lui a fait des aveux dans les derniers jours. Il répond qu'elle a maintenu la même version que le premier jour où il est entré à son service: elle était bel et bien présente le jour du meurtre, mais n'a pas touché au couteau.

Une autre version de l'histoire

En 1976, dans son livre "La lampe dans la fenêtre", la journaliste Pauline Cadieux a tenté de démontrer que Cordélia Viau et Sam Parslow ont été victimes d'une erreur judiciaire. Selon elle, Isidore Poirier aurait plutôt été assassiné par un membre d'une famille bien en vue, qui aurait ensuite été protégé par des amis hauts placés. C'est ce livre qui a servi de base au film "Cordélia" de Jean Beaudin, en 1980. 

Pauline Cadieux a aussi publié en 1990 une version améliorée de son enquête, qu'elle a intitulée "Justice pour une femme" (Éditions Livre Expression).


Mme Cadieux énumère une grande quantité d'irrégularités qui ont été commises envers Cordélia Viau lors de l'enquête et des procès. Il ne fait aucun doute que sa réputation de femme volage a fortement contribué à ancrer dans la population (incluant les membres du jury) qu'elle était très probablement impliquée dans le meurtre de son époux. À partir du moment où on pensait avoir trouvé les coupables, on n'a pas fait beaucoup d'efforts pour tenter de trouver d'autres explications possibles.

Parmi les arguments avancés par Pauline Cadieux, mentionnons ceux-ci:

  • Il semble peu probable qu'après avoir sauvagement égorgé Isidore Poirier (qui a visiblement résisté, si on en juge l'état de la scène de crime), les deux accusés aient eu le temps de faire disparaitre toute trace de sang sur eux, puis de se rendre dans leur parenté sans éveiller le moindre soupçon. Dans l'hypothèse où Cordélia était présente au moment du crime, ils auraient disposé de moins d'une heure pour tuer Poirier et faire disparaitre les vêtements ensanglantés.
  • Le jour du crime, un citoyen a aperçu "un ivrogne se dégriser à la rivière". Pauline Cadieux semble convaincue qu'il s'agissait du meurtrier, qui tentait de se nettoyer du sang de Poirier.
  • En soirée, une certaine madame Kugh a vu un homme à la fenêtre d'une maison inhabitée située à proximité de la maison d'Isidore Poirier. Un journaliste de la Presse est entré dans cette maison et n'y a rien trouvé de louche. Pauline Cadieux pense qu'il s'agissait de l'assassin, qui s'était réfugié à cet endroit pour se sécher après s'être lavé à la rivière.
  • Dans les jours suivants, un citoyen portait au visage des blessures suggérant qu'il s'était battu.
  • On a trouvé dans une poche du cadavre une montre qui s'était arrêtée à 18 h, et on peut supposer qu'elle s'est arrêtée à cause des coups subis lors de l'assassinat. À ce moment, Viau et Parslow étaient en compagnie de membres de leur famille, loin du lieu du crime. Ils ne peuvent pas avoir commis le crime à ce moment.
  • À une heure du matin, le cocher Legaut dit avoir vu de la lumière chez les Poirier. Si c'est vrai, ça indiquerait que Poirier avait allumé la lumière avant d'être assassiné, ce qu'il n'aurait certainement pas fait vers 16h, alors qu'il faisait encore clair.

Considérant toutes ces informations, Pauline Cadieux en déduit qu'un homme qui connaissait Cordélia Viau s'est présenté chez Poirier vers 18 heures. Lui et Poirier se seraient querellés, et il aurait poignardé Poirier sans préméditation. Le meurtrier se serait enfui, se serait lavé dans la rivière pour se débarrasser du sang qui le recouvrait, puis se serait temporairement réfugié dans la maison inhabitée.

Sauf que...

  • Il est possible de se laver à une rivière sans avoir tué quelqu'un, tout comme il est possible d'entrer dans une maison inhabitée sans avoir tué quelqu'un.
  • Pourquoi cette dispute impromptue a-t-elle eu lieu dans la chambre à coucher, en utilisant un couteau de boucherie habituellement rangé dans la cuisine? 
  • Quand on a découvert le cadavre de Poirier, la porte était verrouillée et l'unique clé de la maison a été trouvée dans les affaires de Sam Parslow. Comment le meurtrier mystère a-t-il pu sortir de la maison et verrouiller derrière lui, sans la clé?
  • Le témoignage du cocher Legault, à l'effet qu'il y avait de la lumière chez Poirier à une heure du matin n'est pas seulement contredite par Joseph Fortier (qui se trouvait à l'intérieur de la voiture au même moment): les voisins Bouvrette et John Hall ont remarqué qu'il n'y avait pas de lumière chez Poirier pendant la soirée.

Et, par-dessus tout, il y a la question des aveux. Oui, ils ont peut-être été obtenus de façon discutable, mais pourquoi Sam Parslow aurait-il admis avoir tué Poirier s'il ne l'a pas fait? Pourquoi Cordélia Viau aurait-elle admis à McCaskill avoir connu à l'avance les intentions de Parslow, puis répéter la même chose au journaliste Émile Bélanger, pour ensuite déclarer au shérif Lapointe qu'en fait, elle était présente au moment du crime? Même après sa pendaison, son avocat a déclaré qu'elle lui avait confirmé qu'elle était présente au moment du meurtre, et qu'elle avait dit à Parslow qu'il devait terminer ce qu'il avait commencé.

Dans la version de Mme Cadieux, les aveux de Cordélia Viau avaient été écrits à l'avance par le détective McCaskill. Cordélia aurait simplement lu à voix haute le texte qui lui avait été tendu par le détective, sans se douter que ses paroles allaient être considérées comme des aveux. Dans le film Cordélia, il s'agit d'une scène très dramatique qui nous fait immédiatement crier à l'injustice.

Mais c'est là que je décroche complètement. Rien de ce que j'ai lu dans les compte-rendus de l'époque ne permet de penser que l'interrogatoire s'est déroulé de cette façon. Si ça avait été le cas,  les avocats de la défense l'auraient crié sur les toits. Pourtant, lorsqu'ils ont énergiquement contesté la légalité des aveux, ils ont seulement évoqué la possibilité que McCaskill ait fait des menaces ou des promesses à Cordélia, ou qu'il ne l'ait pas avisée que ce qu'elle allait dire pouvait être retenue contre elle.

Comme dans bien des thèses complotistes, l'hypothèse de Pauline Cadieux suppose qu'un grand nombre de gens ont agi de façon malveillante afin que Cordélia Viau et Sam Parslow soient condamnés à la place du véritable coupable. Je trouve dommage que le film Cordélia ait propagé dans la population une version qui ne correspond probablement pas à la réalité historique (le film peut être visionné gratuitement sur le site de l'ONF). 

 

Yves Pelletier 

 

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Le vol du vaccin Salk contre la polio (1959)

Le 31 aout 1959 vers 3 heures du matin, trois hommes masqués et armés font irruption dans les laboratoires de l'Institut de microbiologie de l'Université de Montréal, à Laval-des-Rapides. Après avoir vainement tenté de ligoter Arpolis Béland, le gardien de nuit, ils l'enferment dans la cage des singes rhésus, qui sont utilisés pour la production des vaccins. Au lever du soleil, lorsqu'il parvient enfin à se libérer, le gardien constate qu'en plus d'avoir volé sa voiture, les bandits ont complètement vidé le réfrigérateur qui renfermait 6800 fioles du vaccin Salk, qu'on était sur le point de distribuer dans les cliniques de vaccination un peu partout dans la province.

Un technicien de l'institut devant les étagères vides. 
(Montréal-Matin, 1er septembre 1959)

Ce vol est particulièrement choquant, car il survient au moment où la province est aux prises avec une importante épidémie de poliomyélite, une maladie infectieuse qui s'attaque surtout aux enfants, causant des paralysies, des malformations permanentes et même la mort, lorsqu'elle s'attaque au système respiratoire.  Les 6800 fioles dérobées auraient permis d'inoculer une deuxième dose à 75 000 enfants ; mais puisque 8 mois sont nécessaires à la fabrication du vaccin, la campagne provinciale de vaccination est en péril.

Le Petit Journal, 9 aout 1959

Le lendemain du vol, les policiers interrogent Jean-Paul Robinson, qui se prétend étudiant en médecine. Robinson a tenté de vendre une centaine de fioles de vaccin Salk à Gaston Bédard, un pharmacien de Pont-Viau. Robinson est bientôt relâché, après avoir fait valoir que le vaccin qu'il vendait provenait plutôt de surplus d'une clinique de vaccination qu'il avait organisée.

Vaccins retrouvés 

Coup de théâtre:  trois jours après le vol, suite à un appel téléphonique anonyme, la police retrouve la presque totalité des vaccins volés dans un appartement inhabité de la rue St-Hubert. Tout est bien qui finit bien? Oui et non: puisqu'on ne sait pas si les vaccins ont été correctement réfrigérés depuis le cambriolage, il sera nécessaire de les tester à nouveau sur des singes rhésus, ce qui nécessitera plusieurs semaines.

 

Le Devoir, 4 septembre 1959

Jean-Paul Robinson recherché

L'enquête policière se poursuit malgré tout, et l'étau se resserre sur Jean-Paul Robinson, celui qui avait été interrogé le lendemain du crime.

On a découvert que Robinson a visité les laboratoires de l'Institut de Microbiologie de l'Université de Montréal, à Laval-des-Rapides, dans les jours précédent le vol du vaccin, en se faisant passer pour un étudiant en médecine (ce qu'il n'est pas). On sait aussi que c'est lui qui a loué l'appartement dans lequel les vaccins on été retrouvés, et qu'il a tenté de vendre un certain nombre de ces vaccins au pharmacien Gaston Bédard. 

 

La Presse, 25 novembre 1959


Pendant de nombreuses semaines, Robinson est introuvable. Sa femme fait courir la rumeur qu'il pourrait avoir été exécuté par ceux qui ont volé le vaccin, d'autres pensent qu'il a quitté le pays. On le retrouve finalement dans une maison de ferme récemment louée par sa femme. Il porte des lunettes et une moustache, dans une tentative manifeste de ne pas être reconnu.

 

La Patrie du Dimanche, 25 octobre 1959

L'enquête préliminaire de Jean-Paul Robinson a lieu le 24 novembre 1959; il est accusé du vol et du recel de 6800 fioles de vaccin Salk.

La condamnation de Gilles Hébert

En septembre 1960, alors que Jean-Paul Robinson est toujours dans l'attente de son procès, un certain Gilles Hébert, un jeune toxicomane de 23 ans, admet au policier qu'il a participé au vol de vaccins commis un an plus tôt, en échange de la somme de $500. Il fournit une description détaillée du déroulement du crime, qu'il prétend avoir perpétré en compagnie de Jean-Paul Robinson et de personne d'autre (le gardien de sécurité Arpolis Béland avait pourtant parlé de trois malfaiteurs).

La Presse, 24 septembre 1960
 

Lors de sa comparution, Hébert plaide d'abord coupable, mais se ravise le lendemain. Sa confession aux policiers est tout de même retenue en preuve, et il est condamné à 4 ans de pénitencier pour sa participation au vol du vaccin.   

La Presse, 17 février 1961

Le procès de Jean-Paul Robinson

Après plusieurs ajournements, le procès de Jean-Paul Robinson débute finalement le 6 juin 1961, soit près de 2 ans après le vol du vaccin.

Tout va de travers pour la poursuite. Le premier témoin, Gilles Hébert, qui sert une peine de prison après avoir confessé avoir été le complice de Robinson, prétend n'avoir jamais rencontré l'accusé.

Quant au pharmacien Gaston Bédard, tout en admettant que Robinson a tenté de lui vendre des vaccins le lendemain du cambriolage, il insiste sur le fait qu'il lui en avait déjà vendu auparavant­.

Jean Paul-Robinson
(La Presse, 10 juin 1961)

Robinson se présente pour sa part comme un bienfaiteur de l'humanité. Non, il n'a pas participé au vol de vaccins. Toutefois, puisqu'il a été l'organisateur d'une clinique mobile de vaccination, il est relativement bien connu dans le milieu de la santé. C'est certainement pour cette raison qu'un certain Bob, qu'il avait déjà rencontré à sa clinique, l'a contacté pour lui vendre les vaccins volés.

La seule raison pour laquelle Robinson a accepté d'acheter ces vaccins pour la somme de $800, c'est que le mystérieux Bob a menacé de les jeter dans le fleuve Saint-Laurent s'il ne trouvait pas d'acheteur, et ce gaspillage aurait été une véritable tragédie pendant l'épidémie. Robinson a donc acheté les vaccins dans le but de les rendre à la population, espérant se faire rembourser par la suite par le gouvernement.

C'est pourquoi il a lui-même téléphoné à la police pour leur indiquer l'endroit où il avait entreposé le vaccin. Il a fait son appel à partir de sa chambre à l'hôpital Jean-Talon, où il avait été admis d'urgence suite à des problèmes cardiaques. Il a ensuite fuit la police en constatant qu'il était faussement suspecté d'avoir participé au vol.

Jean-Paul Robinson acquitté 

Contre tout attente, même s'il considère que certaines des explications offertes par Robinson sont peu vraisemblables, le juge Henri Masson-Loranger considère que la Couronne n'est pas parvenue à prouver de façon satisfaisante que Robinson est bien coupable des crimes qui lui sont reprochés. Jean-Paul Robinson est donc acquitté, faute de preuve, le 31 mars 1962.

La Presse, 31 mars 1962

 

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Premiers piétons victimes de l'automobile à Montréal et à Québec (1906-1908)

Au début du XXe siècle, le nombre d'automobiles circulant dans les rues augmente rapidement, ce qui constitue un nouveau danger pour les piétons.

À Montréal, le premier piéton heurté mortellement par une automobile a été Antoine Toutant, le 11 août 1906, alors qu'à Québec, la première victime fut Eva Gagnon, le 4 octobre 1908. 

Montréal,  11 août 1906 Antoine Toutant, 59 ans

La Presse, 13 août 1906

"Plusieurs fois nous avons eu à relater des accidents survenus aux occupants de ces voitures à moteurs, mais c'est la première fois, depuis leur apparition à Montréal que l'un de ces encombrants véhicules cause la mort d'une personne dans notre ville." (La Presse, 13 août 1906)

Le samedi 11 août 1906 vers 20h30, Antoine Toutant, un "agent solliciteur en portraits au crayon" de 59 ans, est mortellement heurté par une automobile sur la rue Sainte-Catherine, près de l'intersection Maisonneuve. Accompagné de sa femme et de leur fils Oswald, âgé de 14 ans, Toutant était en train de traverser la rue Ste-Catherine au moment où un tramway s'est immobilisé pour faire descendre des passagers.

Antoine Toutant (La Patrie, 13 août 1906)
 

Pendant ce temps, une automobile qui roulait, selon des témoins, à une vitesse excessive, tente de contourner le tramway.  L'automobile, qui appartient au Parc Dominion, est conduite par Thomas H. Atkinson.  Herbert Dalbich, un autre employé du Parc Dominion, se trouve également dans le véhicule.

 "J'ai assisté, a ajouté le témoin, à des courses, j'ai vu des tramways à toute vitesse, mais je n'ai vu jamais un cheval ou une voiture aller à une telle vitesse. Je ne crois pas exagérer en disant que la machine allait à une vitesse de 35 milles à l'heure."  (R. Ernest Lambert, lors de l'enquête du coroner, cité dans La Presse du 13 août 1906)

La Presse, 13 août 1906

 "L'auto allait à une telle vitesse que le pauvre homme n'eut pas le temps de l'éviter et fut pris dans la dernière roue, d'arrière. Le malheureux fut lancé à une distance de sept ou huit pieds et écrasé par la machine. Son petit garçon, Oswald, eut la jambe droite meurtrie par l'une des roues de la machine, mais il ne s'infligea aucune autre blessure grave." (La Presse, 13 août 1906)

La victime inconsciente est immédiatement transportée à la pharmacie Gauvin, située à proximité de l'accident. De là, une ambulance le transporte à l'hôpital Notre-Dame, où il rend l'âme 20 minutes plus tard. Atkinson et Dalbich sont immédiatement arrêtés.

Le lendemain, lors de l'enquête du coroner Biron, le jury demande que le conducteur Atkinson demeure emprisonné. Dalbich, qui était passager dans le véhicule mais ne le conduisait pas, est libéré, mais sera arrêté à nouveau, quelques semaines plus tard, pour avoir lui-même conduit trop rapidement sur la rue Ste-Catherine!

 

La Presse, 11 septembre 1906
 

Lors de son procès, en septembre, Thomas H. Atkinson est condamné à 6 mois de prison pour homicide involontaire.

"Il a été établi que vous alliez au moins à une vitesse de 6 milles à l'heure quand l'accident est arrivée. Le règlement municipal ne vous permettant que 4 milles à l'heure, à l'intersection de deux rues. Dans les circonstances, vu que la rue était bondée de citoyens, vous auriez dû modérer la vitesse de l'automobile de manière à pouvoir l'arrêter instantanément." (le juge Choquet, cité dans La Patrie du 11 septembre 1906)

"Il faut bien comprendre que les routes et les rues appartiennent aux piétons et qu'il est du devoir de tous les conducteurs de véhicules quelconques d'arrêter ou du moins de ralentir leur marche lorsqu'un piéton traverse la route ou la rue. C'est là un devoir légal qui se néglige trop. Toutant n'aurait pas été tué si vous n'aviez pas marché si vite et si vous aviez rempli votre devoir qui consistait à arrêter lorsque vous avez vu la rue encombrée." (le juge Choquet, cité dans La Presse du 11 septembre 1906)

Le décès d'Antoine Toutant semble marquer le début d'une série d'accidents similaires. Le lendemain soir,  une jeune fille nommée Gracie Hill est également heurtée par un automobiliste; elle subit des blessures assez graves, mais survit à l'accident. Une semaine plus tard, Sarfield Fleming, un garçon de 7 ans, est mortellement heurté par une automobile sur le chemin qui conduit à Lachine.

Accident de Sarfield Fleming, La Presse 20 août 1906

"Avant que notre public ne s'exaspère contre les autos, aux mains de chauffeurs novices ou possédés de la folie de la vitesse, notre municipalité devrait prévenir de nouveaux accidents, en prenant des mesures sévères, afin de diminuer autant que possible le nouveau danger public que l'automobilisme multiplie chaque jour davantage. C'est déjà de trop que nous voyions de lourdes charrettes confiées aux soins de gamins, totalement incapables de conduire convenablement un cheval, sans que des autos, véritables faucheuses d'existences, ne soient mis en mains des premiers venus. (...) Nous avions trop de noyades par imprudence; trop d'hécatombes de chemins de fer; de grâce, qu'on nous dispense des bouillies humaines que semble vouloir nous réserver l'automobilisme. " (Album Universel, 25 août 1906) 

 

Québec, 4 octobre 1908: Eva Gagnon, 17 ans 

La Presse, 5 octobre 1908

C'est deux ans plus tard, le 4 octobre 1908, qu'une première citoyenne de la ville de Québec décède sous les roues d'une automobile.

Vers 16h, Eva Gagnon, 17 ans, venait tout juste de descendre du tramway à l'angle des rues St-Bernard et St-Valier, devant l'hôpital du Sacré-Coeur. Elle s'apprêtait à traverser la rue en compagnie d'une amie, Alexandrine Pageau.

 

Eva Gagnon
(à gauche: La Presse, à droite La Patrie, 5 octobre 1908)

"Un automobile venait en ce moment en sens inverse et ralentit son allure afin de laisser passer la jeune fille: celle-ci s'arrêtant aussi et pendant quelques secondes, on fut de part et d'autre dans l'expectative. Soudain, et au moment précis où le chauffeur se décidait à continuer sa route, la jeune fille poussée par une sorte de fatalité s'élança pour passer devant, mais elle avait mal calculé son élan et la malheureuse vint tomber sous les roues du lourd véhicule qui lui passèrent sur le corps. "  (L'Action Sociale, 5 octobre 1908)

Le conducteur de l'automobile, Cyrille Robitaille Jr., transporte la victime chez le Dr. Bédard, où elle décède au bout d'un quart d'heure.

"Quand le correspondant de la Presse se présenta là, hier soir, la douleur de la mère faisait peine à voir: "J'avais quatre enfants, monsieur, nous dit-elle à travers ses sanglots! Il me reste une consolation: ma pauvre fille, en retraite, avait communié les trois derniers matins"."  (La Presse, 5 octobre 1908) 

L'enquête du coroner, qui se tient au domicile du père de la victime, arrive à la conclusion que la vitesse de l'automobile n'était pas excessive, puisque le conducteur l'a complètement immobilisée sur une distance de 10 pieds suite à l'impact. La mort est considérée comme accidentelle puisque le conducteur a fait tout son possible pour éviter l'accident. 

De nos jours, entre 60 et 80 piétons québécois meurent chaque année après avoir été heurtés par un automobiliste. C'était pire à une certaine époque (par exemple, en 1968, 463 piétons ont trouvé la mort sur les routes du Québec!). Nous pouvons nous réjouir des progrès accomplis en matière de sécurité routière, mais chaque victime est une victime de trop.

Yves Pelletier (Facebook, Mastodon)

 

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    Une automobile dans les rues de Montréal! (1899)

    La première promenade en automobile de l'histoire de Montréal ne passa pas inaperçue, puisqu'elle fut annoncée à l'avance dans les journaux:

    "Montréal verra aujourd'hui, pour la première fois, une voiture automobile fouler l'asphalte de ses rues. À 4 heures, M. U. H. Dandurand, propriétaire du véhicule et agent pour tout le Canada, accompagné`de Son Honneur le maire de Montréal et d'une couple d'autres citoyens marquants, fera une promenade à travers la ville dans la voiture nouveau genre. M. Dandurand a fait l'essai de son automobile, et il dit qu'il fonctionne à merveille." (La Presse, 21 novembre 1899)

    La Patrie, 22 novembre 1899

    L'agent d'immeubles Ucal-Henri Dandurand, est généralement considéré comme le premier automobiliste montréalais. D'autres québécois, toutefois, l'avaient devancé: comme nous l'avons déjà raconté dans un précédent article, le Dr. Henri-Edmond Casgrain, dentiste de Québec, roulait dans sa voiturette Bollé depuis juin 1897. C'est aussi en 1897 que le très débrouillard George Foote Foss a roulé dans les rues de Sherbrooke au volant de l'automobile...qu'il avait lui-même fabriquée!

     

    Ucal-Henri Dandurand (La Presse, 15 juillet 1908)

    Notons également le que titre de "premier automobiliste montréalais" de monsieur Dandurand est parfois mis en doute.  Dans Le Bulletin des Recherches Historiques de mars 1924, on peut lire:

    "À Montréal, les automobiles firent leur apparition au printemps de 1898. Les deux premiers furent achetés aux États-Unis par MM. L.-C. Rivard et A. Guillet. Le troisième automobile fut amené à Montréal par M. U. - H. Dandurand."


    Cette thèse est également reprise en 1982 dans la revue historique "Nos Racines" numéro 119: 

    "À Montréal, un grand amateur de publicité, Ucal-Henri Dandurand, acheta sa Walthan à vapeur au mois de novembre 1899. Il fit un tel tapage qu'on a cru et qu'on croit encore, qu'il est le premier Montréalais à avoir possédé et conduit une voiture automobile. C'est faux et, à ce chapitre, l'honneur revient à messieurs L.-C­ Rivard et E. Guillet. Leurs deux voitures, des américaines, ont roulé dans la boue au printemps 1898." 

    Malheureusement, il semble difficile de trouver plus d'informations sur les promenades en automobile de ces messieurs Rivard et Guillet, qui semblent avoir été beaucoup plus discrets que U. H. Dandurand­. L'Étoile du Nord du 10 mai 1900 mentionne bien l'arrivée à Joliette d'une automobile conduite par Lewis C. Rivard, gérant de la manufacture de tabac, ce qui démontre au moins qu'il a été propriétaire d'une automobile à la même époque que Dandurand.

    Revenons donc à cette promenade en automobile ultra-publicisée, effectuée par Ucal-Henri Dandurand dans les rues du centre-ville de Montréal le 21 novembre 1899:

    Hier après-midi, le premier automobile est passé par nos rues principales, et l'expérience a été couronnée de succès. (...)
    La machine est aussi facile à conduire qu'une bicyclette, sans que l'on ait à la maintenir en équilibre. Elle peut rouler à 22 allures différentes.
    Elle conserve à peu près la même vitesse en gravissant une côte qu'en marchant sur un terrain plat. Les descentes de côtes s'opèrent sans difficulté grâce à un frein à air dont elle est munie.
    Hier après-midi, l'on est monté par la côte de la rue Windsor et descendu par celle du Beaver Hall.
    La machine, poussée à toute vitesse, peut atteindre une allure de 2 minutes au mille, mais sur la route, sa vitesse ordinaire est de 15 milles à l'heure.
    (La Patrie, 22 novembre 1899)

     

    U.H. Dandurand et le maire Raymond Préfontaine
    La Patrie, 25 novembre 1899

    Pour Dandurand, cette démonstration publique n'est pas qu'une simple activité récréative puisque, avec son associé J. A. Corriveau, il espère bien vendre un grand nombre d'automobiles à ses concitoyens.

     

    Publicité dans La Presse 14 avril 1900

     

    La voiture conduite par Dandurand est un véhicule à vapeur de marque Waltham fabriqué aux États-Unis dans les ateliers de la New England Motor Carriage Company. En plus d'un réservoir de "gazoline" de 6,5 gallons, la voiture est équipée d'un réservoir d'eau de 16 gallons, ce qui lui permet en principe de rouler sur une distance d'environ 100 milles (l'essence sert à chauffer l'eau, dont la vapeur actionne le moteur). 

    "Il faut dire que la voiture avait grande allure. La carrosserie était de coeur de chène, les roues étaient de broche fine et elle était montée haut sur pattes comme un héron. Hélas! elle était d'une nudité indécente: pas de phares, ni klaxon, ni pare-chocs, ni toit, ni pare-brise." (Henri Dandurand, Perspectives 5 janvier 1963)


    La famille Dandurand dans la Waltham en 1899
    (Le Petit Journal, 3 juin 1956)
     

     Le service après-vente est impressionnant:

    "Quand M. Dandurand acheta cette voiture, la compagnie Waltham délégua à Montréal un expert de la manufacture qui séjourna ici trois mois, pour apprendre à M. Dandurand comment l'auto fonctionnait."  (Le Petit Journal, 3 juin 1956)

    La Waltham se révèle toutefois tellement peu fiable que Dandurand la retourne au fabriquant après seulement 3 mois d'utilisation. Il fait ensuite l'acquisition de quelques autres automobiles tout aussi insatisfaisantes, jusqu'à ce qu'il devienne propriétaire d'une De Dion-Bouton de fabrications française en 1903: il s'agit de sa cinquième automobile en quatre ans! Cette-fois, il est pleinement satisfait; il utilise cette voiture jusqu'en 1910.

     

    Publicité dans Le Journal, 29 septembre 1902
     

    L'album Universel du 9 mai 1903 publie, au sujet de cette nouvelle acquisition, un article dithyrambique aux allures de publi-reportage:

    "M. Dandurand possède aujourd'hui l'un des automobiles les plus perfectionnés, non seulement du continent, mais du monde entier. Cette voiture est sortie des ateliers de la maison De Dion Bouton, qui est de beaucoup la plus importante manufacture d'automobiles de l'univers.
    L'automobile en question pèse 800 livres et est mû par un pouvoir de six forces de chevaux. La transmission du pouvoir est directe et elle se fait sans l'intermédiaire d'aucune chaîne.
    L'automobile perfectionné dont M. Dandurand se sert tous les jours est pourvu d'un triple frein, ce qui en rend le contrôle très facile. Il est mû par une espèce de pétrole vaporisé, avec combinaison électrique. Il n'a coûté que $1500, mais on ne pourrait acheter un automobile du même modèle aux États-Unis à moins de $2000 ou $2500.
    " (Album Universel, 9 mai 1903)

      

    U. H. Dandurand au volant de sa De Dion-Bouton
    (Album Universel, 9 mai 1903)

    La De Dion-Bouton de Dandurand figure maintenant dans la collection du Musée du Chateau Ramezay. Elle a été restaurée en 1955.

    À sa mort, M. Dandurand donna cette voiture au Château de Ramezay. Elle demeura dans le même état jusqu'à l'automne dernier, alors qu'un industriel décida de la remettre à neuf. La vieille voiture a `été repeinte. Des pneus spéciaux ont été trouvés chez un antiquaire d'Angleterre. (Le Petit Journal, 3 juin 1956) 

    La De Dion-Bouton de Dandurand, exposée au Château Ramezay
     

    En 1904, Ucal-Henri Dandurand se présente aux élections municipales dans l'espoir de devenir maire de Montréal. Ses détracteurs s'amusent à déclarer qu'il ne suffit pas de posséder une automobile pour devenir  maire.  

    "L'autre candidat fut M. U. H. Dandurand, un certain individu dont la seule gloire fut de posséder un automobile. À part cela, il était absolument inconnu du public en général." (L'étoile du Nord, 4 février 1904) 

    "M. U. H. Dandurand a produit son bulletin de présentation, il est vrai, mais le public se demande s'il est réellement un candidat sérieux ou un candidat pour rire. Nous croyons pour notre part que le seul désir de M. Dandurand est de se faire connaître comme agent d'immeubles et d'automobiles. Il serait, en tous cas, curieux de connaître quels sont ses titres à la mairie, ses états de service à l'Hôtel de Ville." (Le Prix Courant, 22 janvier 1904)

    "L'argent est sans doute une graisse excellente, mais M. Dandurand n'en trouvera jamais assez pour graisser à point les roues de son automobile qui devra rester en panne au bas de cette côte abrupte qui mène à la mairie."
    (Le Rappel, 18 octobre 1903)

    "Depuis un an ou deux, il était parvenu à la notoriété, grâce à son inévitable automobile. Dandurand et son automobile étaient connus de tout Montréal comme naguère Forget et son violon. Seul, il ne riait pas, et se prenait au sérieux, car il sentait son gousset gonflé d'assurance et de billets de banques."
    (Le rappel, 24 janvier 1904)

    C'est finalement Hormidas Laporte qui devint maire de Montréal en 1904.

    Le Combat, 17 janvier 1904

     

    Yves Pelletier (Facebook, Mastodon)

     

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    Jack Laviolette étoile du hockey, de la crosse, de la course automobile, etc.

    Au début du 20e siècle, Jack Laviolette était un des sportifs les plus populaires de Montréal. On se souvient surtout de lui comme membre des Canadiens de Montréal pendant les 9 premières saison de l'équipe, mais il s'est également illustré à la crosse, à la course automobile et à la course en motocyclette ... jusqu'à ce qu'un accident le prive d'un de ses pieds.

    Jack Laviolette
    (Bibliothèque et Archives Canada)
     

    Né à Belleville, en Ontario en 1879, il s'est toujours fait appeler Jack même si son véritable prénom était Jean-Baptiste. Il a appris à patiner très tôt grâce à de rudimentaires patins en bois que son père avait fabriqués.

    Alors qu'il a environ 12 ans, sa famille déménage à Valleyfield, où il fait la connaissance de Didier Pitre, qui sera pendant de nombreuses années son coéquipier au hockey et à la crosse.

    Jack Laviolette et Didier Pitre
    (Bibliothèque et Archives Canada)

    Débuts à Montréal (1902-1904)

    Arrivé à Montréal pour y gagner sa vie, on sait qu'il a joué pour une équipe de la ligue de hockey de la cité de Montréal pendant la saison 1902-1903.

    Les premières mentions de Jack Laviolette dans les journaux québécois datent toutefois de l'été 1903, alors qu'il est membre de l'équipe de crosse du National de Montréal, à la position "attaque intérieure". À cette époque, la crosse est un sport extrêmement populaire, qui attire des foules de quelques milliers de spectateurs.

    Jack Laviolette dans l'uniforme du National
    (Bibliothèque et Archives Canada)

     "Jack est solide, rapide à la course et très audacieux. C'est une bonne recrue." (Le Journal, 4 juin 1903)

    "Le National était privé des services de l'un de ses bons joueurs, Jack Laviolette, que ses occupations empêchaient de jouer. Son absence fut vivement ressentie, et l'on peut supposer que s'il eut été à son poste, le résultat aurait été différent." (La Presse, 21 septembre 1903)

    Pendant l'hiver 1903-1904, Jack Laviolette fait toujours partie du National mais, cette fois, à titre de joueur de hockey. Jouant à l'aile gauche,  il marque 8 buts dans une courte saison de 6 parties.  

    Hockey aux États-Unis (1904-1907) 

    Au début du mois de mars 1904, le club de hockey du National est invité à jouer quelques parties à Sault-Sainte-Marie (il s'agit de Sault Sainte-Marie au Mishigan, et non de Sault-Sainte-Marie en Ontario), et Jack Laviolette ne passe pas inaperçu:

    "Les journaux locaux ne cessent de louanger les visiteurs. Pour eux, Laviolette et Prévost sont les plus habiles homme à manier le bâton qu'ils aient jamais vus. Le National a joué un jeu sans reproche, ce que ne peut pas dire le club local." (Le journal, 8 mars 1904)

    Cet intérêt des américains envers Laviolette n'est pas anodin: on inaugure à Sault Sainte-Marie une équipe professionnelle de hockey: les Mishigan Soo Indians, qui feront partie de la toute nouvelle International Professional Hockey League. Après avoir joué une deuxième saison avec l'équipe de crosse du National à l'été 1904, Laviolette prend la direction de Sault-Sainte-Marie. 

    Jack Laviolette et Didier Pitre en 1908
    (Bibliothèque et Archives Canada)

    "Jack Laviolette, qui a figuré l'été dernier sur l'équipe du club de crosse Le National et l'hiver dernier sur celle du club de hockey de la même association, partira ce soir pour le Sault Ste-Marie, où il jouera cette saison. C'est là une perte sérieuse, car Jack est un joueur habile et était l'un des favoris du public." (La Presse, 5 décembre 1904)

    En compagnie de Didier Pitre, Laviolette joue au hockey pour les Soo Indians pendant trois saisons consécutives, de 1904 à 1907.

    "Si je dois exprimer mon avis sur le meilleur joueur complet de la ligue Internationale de hockey, je suis forcé de décerner la palme à Jack Laviolette, du club Michigan Soo. Le seul fait qu'il a rempli trois positions différentes sur cette équipe, au cours d'une même saison, serait un argument suffisant pour lui mériter le titre de meilleur athlète complet que le hockey ait produit. S'il faut rappeler qu'il a brillé dans les trois positions qu'il a remplies, sur l'alignement du Soo, avec un égal succès, qu'il est l'un des plus rapides patineurs, l'un des plus habiles manipulateurs de la rondelle, l'un des plus rudes artisans sur la glace et probablement le plus endurant des athlètes, dans la ligue Internationale, il est clair qu'il paraisse bien qualifié au titre qu'on lui décerne." (Frank Cleveland, cité dans La Partie du 19 janvier 1936)

    Même s'il se dit disposé à réintégrer les rangs du club de crosse du National à l'été 1905, les autorités lui refusent ce privilège puisque, ayant été payé pour jouer au hockey pendant l'hiver, il a perdu son titre d'athlète amateur. Cette restriction est levée pour l'été 1906 mais, cette fois, c'est Laviolette qui refuse l'offre du National.

    Retour à Montréal...mais avec le Shamrock (1907-1909)

    Laviolette ne revient donc à Montréal qu'au printemps 1907, mais de façon permanente, cette fois. Devenu propriétaire d'un bar à Saint-Henri, il ne quittera plus la métropole.

    "Jack Laviolette, le célèbre joueur de crosse et de hockey, que les États-Unis nous avaient enlevé, est revenu ce matin à Montréal, après une absence de trois ans. Laviolette jouera cet été pour le National. Il occupera la position d'inside home. Le héros de tant de joutes mémorables est parfaitement en forme, et sera une précieuse acquisition pour notre club. Il est pratiquement certain qu'il ne retournera pas aux États-Unis l'automne prochain, car le National aura une puissante équipe de hockey, et se propose même de se faire construire un patinoir. " (La Presse, 24 avril 1907)

     

    Jack Laviolette (La Presse, 30 décembre 1907)

    À cette époque, les équipes montréalaises sont divisées par ethnies:  le National est exclusivement formé de joueurs canadiens-français, les irlandais jouent pour le Shamrock, et les anglais jouent pour le Montréal ou pour le Wanderer. Mais Jack Laviolette bouscule l'ordre établi, n'hésitant pas à offrir ses services à l'équipe qui lui offre les meilleures conditions de travail.

    Ainsi, après avoir fait bonne figure dans l'équipe de crosse du National pendant l'été 1907, Laviolette cause la surprise en se joignant au Shamrock, l'équipe de hockey des irlandais, pour la saison de hockey 1907-1908. Encore une fois, son ami d'enfance Didier Pitre le suit dans cette aventure. Laviolette jouera deux saisons consécutives pour le Shamrock, à titre de défenseur.

    "Les deux célèbres joueurs canadiens-français, Laviolette et Pitre, portaient avant-hier l'uniforme des Shamrocks. Pitre ne resta que très peu de temps sur la glace, étant blessé à la main, mais Laviolette joua une grande partie, et fut l'étoile de la soirée. Il figurait sur la défense, mais il prêta constamment main forte à la division d'attaque et fit de brillantes courses. Il arrêta en outre une foule d'élans du Montréal. Il était le plus rapide patineur dans l'arène, et comme il est extrêmement audacieux, et manie le bâton avec une rare adresse, il provoqua l'enthousiasme et l'admiration de la foules." (La Presse, 30 décembre 1907)

    À la crosse, on peut remarquer la même absence de fidélité envers le National, puisque Laviolette signe un contrat avec le club Montréal (un club anglophone) en août 1909. Mais jouera à nouveau à la crosse dans les rangs du National en 1910 et en 1911.

    Les Canadiens de Montréal (1909-1918)

    En décembre 1909, une nouvelle ligue de hockey est créée: la National Hockey Association, et Laviolette est chargé d'enrôler des joueurs francophone afin de former une nouvelle équipe: les Canadiens! Au départ, Laviolette cumule temporairement les fonctions de joueur, entraîneur et gérant de l'équipe. Il parvient à engager les meilleurs joueurs du National comme Didier Pitre et Édouard "Newsy" Lalonde".

    La Presse, 6 décembre 1909
     

    Les premières saisons des Canadiens de Montréal sont assez difficiles. Lors de la saison inaugurale de 1909-1910, l'équipe arrive au septième et dernier rang de la ligue, avec 2 victoires et 7 défaites. L'équipe occupera également le dernier rang de la ligue lors des saisons 1911-1912 et 1914-1915.

    Avec le Canadien, Jack Laviolette ne remporte la coupe Stanley qu'une seule fois, à la fin de la saison 1915-1916 (malgré un début de saison catastrophique). L'équipe sera également finaliste à deux occasions.

    Caricature de Jack Laviolette
    (La Presse, 28 décembre 1911)

    Lors des premières saisons du Canadien, Laviolette est défenseur. Mais dans les dernières saisons, il joue à l'aile. Contrairement à Pitre et Lalonde, il n'était pas un marqueur particulièrement prolifique. Par contre il était reconnu comme un patineur extrêmement rapide, qui avait le sens du spectacle! 

    Ce n'est pas un être humain que l'on voyait sur la glace, c'était un coup de vent, un cyclone, un bolide, qui traversait la patinoire et en moins de temps qu'il n'en faut pour l'écrire, Jack était rendu d'un bout à l'autre du rond et revenait à son poste. Sauter par-dessus un adversaire, qui était étendu sur la glace, était pour lui un bien petit obstacle et Jack jouait toujours avec une tuque, qui était cependant plus souvent sur la glace que sur sa tête, vu la vitesse à laquelle il filait. (La Patrie, 29 mars 1928)

    La Patrie, 26 décembre 1912

    Laviolette est certainement l'un des meilleurs joueurs de hockey de l'heure présente. Il passe pour être le plus rapide équipier de la National Hockey Association. Bien qu'on ait souvent dit que ses courses sensationnelles et ses tours d'acrobatie sur la glace étaient faits dans le but d'exciter la galerie, l'assertion est fausse car, il n'est pas un joueur qui déploie plus de sincérité et d'ardeur au jeu que Jack. On doit se rappeler qu'en mille et une occasions, Laviolette a fait preuve d'un courage surhumain pour jouer dans des conditions intenables. Que de fois n'a-t-il pas embarqué sur la glace malade ou estropié! Joueur de coeur et d'une témérité excessive, Jack est devenu l'idole des Canadiens-français qui déploreraient beaucoup de ne pas le voir sur l'équipe du Bleu-Blanc-Rouge, cet hiver.  (Le Droit, 6 décembre 1916)

    Pendant toute sa carrière sportive, Laviolette s'assurera d'obtenir le meilleur salaire possible pour ses services. Chaque année, en décembre, il est souvent le dernier joueur du Canadien à signer son contrat, laissant entendre qu'il pourrait bien jouer ailleurs, ou s'adonner à des occupations plus lucratives.

     

    Le Droit, 6 décembre 1916

    Courses d'automobiles et de motocyclettes (1913-1919)

    À partir de l'automne 1913, Jack Laviolette délaisse la crosse et devient pilote de course automobile, et pilote de motocyclettes de course. La plupart de ses courses on lieu le dimanche au Parc Delorimier. 

    Jack Laviolette et sa Mercer (La Patrie, 18 juin 1915)

     

    Laviolette est considéré comme un pilote habile, mais extrêmement téméraire. Les accidents ne sont pas rares. Dès sa première course publique, le 5 octobre 1913, il est forcé d'abandonner après que son bolide ait foncé dans la palissade.

     

    La Presse, 6 octobre 1913

    Jack Laviolette et Sprague Cleghorn, deux étoiles montréalaises du hockey, sont devenus des amateurs enragés de la motocyclette. Laviolette a fait une mauvaise chute, dimanche dernier, au Parc Delorimier. Mais quiconque l'a déjà vu jouer dans une partie de hockey, sauter une vingtaine de pieds au loin et retomber presque la tête sur la glace, peut très bien imaginer que ce fut presqu'un amusement pour l'ami Jack. (Le Droit, 14 juillet 1914) 

     

    Jack Laviolette à moto (L'autorité, 28 août 1915)

    "(...) Laviolette n'a échappé à la mort comme par miracle. Après avoir dépassé Tuft au premier tour de leur course, sa voiture dérapa, et l'auto de Tuft la prenant du flanc la fit culbuter. Jack se trouva sous sa machine, mais ne fut pas écrasé heureusement. On le releva, mais il n'avait aucun membre de brisé. Il avait seulement reçu un rude choc. Il prit part à plusieurs épreuves dans la suite. Son auto avait toutefois été mis hors de combat." (La Patrie, 21 septembre 1914)

    "Un accident, arrivé à Jack Laviolette, hier, dans la première course en motocyclettes, au parc De Lorimier, a été cause qu'il n'a pu terminer l'épreuve, bien qu'il fût en avant de tous ses concurrents. Un obstacle quelconque, qui se trouvait sur la piste, fit capoter sa machine et Jack se blessa tellement en tombant qu'il ne put continuer sa course."  (Le Devoir 24 septembre 1917)


    Accidents routiers (1915 et 1918) 

    Téméraire, Laviolette semble l'être aussi lorsqu'il conduit un véhicule dans les rues de Montréal, puisqu'on peut lui attribuer deux accidents avec blessé grave à trois ans d'intervalle, sur la même rue!

    En mars 1915, à l'intersection des rues Bourget et Notre-Dame, l'automobile conduite par Laviolette heurte trois piétons. Le plus gravement blessé est le jeune Raoul Doré, qui venait de descendre du tramway. Il a été nécessaire de soulever l'auto pour le dégager, et il souffrait de blessures aux bras, aux jambes et à la tête.

    Un autre piéton victime de cet accident, Z. Lalonde, a poursuivi Laviolette en justice, lui réclamant la somme de $150 en dommages et intérêt. Il a finalement obtenu $75 dollars en mai 1916.

    La Patrie, 1er avril 1915
     

    Le 1er mai 1918, toujours sur la rue Notre-Dame à Montréal, l'automobile conduite par Laviolette heurte un poteau de fer de la compagnie des tramways. Le pied droit de Laviolette est écrasé sous une pédale et doit ensuite être amputé, ce qui met fin à sa carrière de hockeyeur.

    Le Devoir, 4 mai 1918

    "On ne verra plus Jack Laviolette en uniforme du Canadien; on ne verra plus ce gars rapide, élégant qui jetait la terreur dans le camp ennemi et dont les exploits soulevaient l'enthousiasme des sportsmen. Non, messieurs, Laviolette a vécu comme athlète; à la suite de l'accident d'auto dont nous parlions avant-hier, il lui a fallu se faire amputer un pied. Le passage de ce gladiateur enlève de notre domaine du sport la figure la plus pittoresque et la plus sympathique qu'il soit possible d'imaginer." (Le Droit, 4 mai 1918)

     

    Quelques faits divers

    • En juin 1908, Jack Laviolette, son frère Billy et le lutteur Émile Dubois sauvent quatre familles victimes d'un incendie à Saint-Henri.
    La Patrie, 12 juin 1908
     

    • En février 1910, l'homme d'affaire Hubert Raymond, ruiné, quitte précipitamment le pays afin de fuir ses créanciers. Il doit $35 000 à l'hôtelier Jack Laviolette.
    • En novembre 1915, Laviolette est accusé pour coups et blessures sur la personne de Raoul Ledoux, un organisateur de courses automobiles. Lors d'une dispute, Laviolette lui a asséné un violent coup de poing qui lui a cassé le nez. Le juge Saint-Cyr condamne Laviolette à une amende... de $2. (Par comparaison, quatre mois plus tard Laviolette devra payer $15 d'amende pour avoir lancé son bâton pendant un match de hockey!).
    • En septembre 1923, un frère de Jack, Henri Laviolette, 47 ans, est abattu par Walter Muir, un américain en état d'hébrété. Pour ce crime, Muir est pendu le 17 juillet 1924 à Valleyfield.

     

    Décès (1960)

    Qui l'eût cru: notre téméraire casse-cou allait finalement survivre jusqu'à l'âge de 80 ans. Il décède le 10 janvier 1960, une semaine avant la cérémonie organisée au Forum pour inaugurer le 50e anniversaire de la toute première partie du Canadien de Montréal.

    La Presse, 11 janvier 1960

    "Jack Laviolette considéré jusqu'à l'arrivée du regretté Howie Morenz comme le joueur le plus rapide à avoir évolué dans la Ligue Nationale de hockey est mort dans la nuit de samedi à dimanche, chez lui à Montréal. Il a été trouvé mort par des parents venus le visiter. Il a apparemment succombé à une crise cardiaque." (La Presse, 11 janvier 1960)

     

    Yves Pelletier (Facebook, Mastodon)

     

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